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O U S P E N S K Y |
Piotr Demianovitch Ouspensky
Fragments d'un enseignement inconnuPhilosophe platonicien, mathématicien, il est l'auteur vers 1910 d'un ouvrage (que Gurdjieff lira en 1912) Tertium Organum : «J’ai appelé ce système de logique supérieure le Tertium Organum, car il est pour nous le troisième canon, le troisième instrument, de la pensée depuis ceux d’Aristote et de Bacon. Le premier a été l’Organon, le second le Novum Organum, mais le troisième existait déjà avant le premier», sur ce site un peu extrême on trouve une traduction partielle. En quête du "miraculeux" il cherche en orient une connaissance, une école qui explique les rapports de l'homme à l'univers, il rencontre et devient l'élève de Gurdjieff en 1915, en 1922 c'est la rupture qui fut précédé par une mésentente conjugale chez les Ouspensky.
Dans les Fragments il rend compte minutieusement de l'enseignement qu'il reçut de G., à tel point qu'après l'avoir lu Gurdjieff donna immédiatement son approbation à sa parution alors que la brouille était ancienne et irréductible. Il recense tout l'échafaudage théorique, il rend compréhensible les concepts gurdjievins, les hommes sont des machines, il n'y a rien d'accidentel dans l'art véritable, l'acquisition de la connaissance, la définition des quatre corps selon Gurdjieff, la quatrième voie ou la voie de l'homme rusé, l'absence d'unité en l'homme ou l'illusion à l'égard du Moi, où se situe l'homme dans le monde, racine de tous les anciens systèmes les trois forces (guna), le rayon de création et les différents degrés de matérialité, les 4 aspects (carbone, oxygène, azote, hydrogène), le rappel de soi pour s'éveiller, la Loi d'octave découle du principe de discontinuité des vibrations, les états de la conscience, les tampons qui sont des obstacles au développement intérieur, la notion de bien et de mal, les cosmos et les lois qui les gouvernent, sa vision très personnelle de Kundalini, le bâillement et le rire ou la gestion de l'énergie, la nécessité ou non de l'abstinence sexuelle, le "miracle" vécu par Ouspensky lors d'échanges télépathiques avec G., le silence des adeptes de G., le sacrifice du renoncement à sa souffrance, l'objectif et le subjectif suivant le sens spécial que leur donne G., les symboles qui doivent êtres vécus, l'ennéagramme qu'il définit comme un symbole universel, l'origine de l'église chrétienne se trouve dans l'Égypte préhistorique, l'évolution planétaire, les définitions des cercles de l'humanité, le changement complet d'apparence ou la transformation de G., l'extraordinaire intensité dans le travail du premier séjour à Essentuki, un exercice essentiel le stop.
p205 - A l'une des réunions suivantes, G. revint sur la question de la conscience.
- Les fonctions psychiques et les fonctions physiques, dit-il, ne peuvent pas
être comprises tant que l'on n'a pas saisi qu'elles peuvent travailler, les unes
comme les autres, en des états de conscience différents.
« Il y a quatre états de conscience possibles pour l'homme (il mit l'accent sur
le mot "l'homme"). Mais l'homme ordinaire, en d'autres termes, l'homme n°1, 2 ou
3, ne vit que dans les deux états de conscience les plus bas. Les deux états de
conscience supérieurs lui sont inaccessibles, et bien qu'il puisse en avoir
connaissance par éclairs, il est incapable de les comprendre et il les juge du
point de vue de ces deux états de conscience inférieurs qui lui sont habituels.
« Le premier, le sommeil, est l'état passif dans lequel les hommes passent un
tiers, et même souvent la moitié de leur vie. Et le second, où ils passent
l'autre moitié de leur vie, est cet état dans lequel ils circulent par les rues,
écrivent des livres, s'entretiennent de sujets sublimes, font de la politique,
s'entre-tuent : c'est un état qu'ils considèrent comme actif et appellent
"conscience lucide", ou "l'état de veille de la conscience" Ces expressions de
"conscience lucide" ou d'"état de veille de la conscience" semblent avoir été
données par dérision, surtout si l'on se rend compte de ce que devrait être une
"conscience lucide" et ce qu'est en réalité cet état dans lequel l'homme vit
et agit.
« Le troisième état de conscience est le rappel de soi, ou conscience de soi,
conscience de son être propre. Il est habituellement admis que nous avons cet
état de conscience ou que nous pouvons l'avoir à volonté. Notre science et notre
philosophie n'ont pas vu que nous ne possédons pas cet état de conscience et que
notre désir seul est incapable de le créer en nous-mêmes, si nette que soit notre décision.
« Le quatrième état de conscience est la conscience objective. Dans cet état,
l'homme peut voir les choses comme elles sont. Parfois, dans ses états
inférieurs de conscience, il peut avoir des éclairs de cette conscience
supérieure. Les religions de tous les peuples contiennent des témoignages sur la
possibilité d'un tel état de conscience, qu elles qualifient d'"illumination",
ou de divers autres noms, et disent indescriptible. Mais la seule voie correcte
vers la conscience objective passe parle développement de la conscience de soi.
Un homme ordinaire, artificiellement amené à un état de conscience objective et
ramené ensuite à son état habituel, ne se souviendra de rien et pensera
simplement qu'il a perdu connaissance pendant un certain temps. Mais, dans
l'état de conscience de soi, l'homme peut avoir des éclairs de conscience
objective et en garder le souvenir.
« Le quatrième état de conscience représente un état tout à fait différent du
précédent; il est le résultat d'une croissance intérieure et d'un long et
difficile travail sur soi.
« Cependant le troisième état de conscience constitue le droit naturel de
l'homme tel qu'il est et, si l'homme ne le possède pas, c'est uniquement parce
que ses conditions de, vie sont anormales. Sans exagération aucune, on peut dire
qu'à l'époque actuelle le troisième état de conscience n'apparaît en l'homme que
par de très brefs et très rares éclairs et qu'il est impossible de le rendre
plus ou moins permanent sans un entraînement spécial.
« Pour la grande majorité des gens, même cultivés et pensants, le principal
obstacle sur la voie de l'acquisition de la conscience de soi, c'est qu'ils
croient la posséder; en d'autres termes, ils sont tout à fait convaincus d'avoir
déjà conscience d'eux-mêmes et de posséder tout ce qui accompagne cet état :
l'individualité, dans le sens d'un "Moi" permanent et immuable, la volonté, la
capacité de faire, et ainsi de suite. Or il est bien évident qu'un homme ne
verra pas l'intérêt d'acquérir par- un long et difficile travail une chose que,
dans son opinion, il possède déjà. Au contraire, si vous le lui dites, il
pensera soit que vous êtes fou, soit que vous tentez d'exploiter sa crédulité
pour votre profit personnel.
« Les deux états de conscience supérieurs - la "conscience de soi" et la "
conscience objective " - sont liés au fonctionnement des centres supérieurs de
l'homme.
« Car en plus des centres dont nous avons déjà parlé, il en existe encore deux,
le "centre émotionnel supérieur" et le "centre intellectuel supérieur". Ces
centres sont en nous; ils sont pleinement développés et travaillent tout le
temps, mais leur travail ne parvient jamais jusqu'à notre conscience ordinaire.
La raison doit en être recherchée dans les propriétés spéciales de notre
prétendue "conscience lucide".
« Pour comprendre la différence entre les états de conscience, il nous faut
revenir sur le premier, qui est le sommeil. C'est un état de conscience
entièrement subjectif.
L'homme y est englouti dans ses rêves - peu importe qu'il en garde ou non le
souvenir. Même si quelques impressions réelles atteignent le dormeur, telles que
sons, voix, chaleur, froid, sensations de son propre corps, elles n'éveillent en
lui que des images subjectives fantastiques.
Puis l'homme s'éveille. A première vue, c'est un état de conscience tout à fait
différent. Il peut se mouvoir, parler avec d'autres personnes, faire des
projets, voir des dangers, les éviter, et ainsi de suite. Il paraît raisonnable
de penser qu'il se trouve dans une meilleure situation que lorsqu'il était
endormi. Mais si nous voyons les choses un peu plus à fond, si nous jetons un
regard sur son monde intérieur, sur ses pensées, sur les causes de ses actions,
nous comprendrons qu'il est presque dans le même état que lorsqu'il dormait.
C'est même pire, parce que dans le sommeil il est passif, ce qui veut dire qu'il
ne peut rien faire. Dans l'état de veille au contraire, il peut agir tout le
temps et les résultats de ses actions se répercuteront sur lui et sur son
entourage. Et cependant il ne se souvient pas de lui-même. Il est une machine,
tout lui arrive. Il ne peut pas arrêter le flot de ses pensées, il ne peut pas
contrôler son imagination, ses émotions, son attention. Il vit dans un monde
subjectif de "j'aime", "je n'aime pas", "cela me plaît", "cela ne me plaît pas",
"j'ai envie", "je n'ai pas envie", c'est-à-dire un monde fait de ce qu'il croit
aimer ou ne pas aimer, désirer ou ne pas désirer. Il ne voit pas le monde réel.
Le monde réel lui est caché par le mur de son imagination. Il vit dans le
sommeil. Il dort. Et ce qu'il appelle sa "conscience lucide" n'est que sommeil -
et un sommeil beaucoup plus dangereux que son sommeil de la nuit, dans son lit.
« Considérons quelque événement de la vie de l'humanité. Par exemple, la guerre.
Il y a la guerre en ce moment.
Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela signifie que plusieurs millions d'endormis
s'efforcent de détruire plusieurs millions d'autres endormis. Ils s'y
refuseraient, naturellement, s'ils s'éveillaient. Tout ce qui se passe
actuellement est dû à ce sommeil.
« Ces deux états de conscience, sommeil et état de veille, sont aussi subjectifs
l'un que l'autre. Ce n'est qu'en commençant à se rappeler lui-même que l'homme
peut réellement s'éveiller. Autour de lui toute la vie prend alors un aspect et
un sens différents. Il la voit comme une vie de gens endormis, une vie de
sommeil. Tout ce que les gens disent, tout ce qu'ils font, ils le disent et le
font dans le sommeil.
Rien de cela ne peut donc avoir la moindre valeur. Seul le réveil, et ce qui
mène au réveil, a une valeur réelle.
« Combien de fois m'avez-vous demandé s'il ne serait pas possible d'arrêter les
guerres ? Certainement, ce serait possible. Il suffirait que les gens
s'éveillent. Cela semble bien peu de chose. Rien au contraire ne saurait être
plus difficile, parce que le sommeil est amené et maintenu par toute la vie
ambiante, par toutes les conditions de l'ambiance.
« Comment s'éveiller ? Comment échapper à ce sommeil ? Ces questions sont les
plus importantes, les plus vitales qu'un homme ait à se poser. Mais, avant de se
les poser, devra se convaincre du fait même de son sommeil. Et il ne lui sera
possible de s'en convaincre qu'en essayant de s'éveiller. Lorsqu'il aura compris
qu'il ne se souvient pas de lui-même et que le rappel de soi signifie un éveil,
jusqu'à un certain point, et, lorsqu'il aura vu par expérience combien il est
difficile de se rappeler soi-même, alors il comprendra qu'il ne suffit pas pour
s'éveiller d'en avoir le désir. Plus rigoureusement, nous dirons, qu'un homme ne
peut pas s'éveiller par lui-même.
Mais si vingt hommes conviennent que le premier d'entre eux qui s'éveillera,
éveillera les autres, ils ont déjà une chance. Cependant cela même est
insuffisant, parce que ces vingt hommes peuvent aller dormir en même temps, et
rêver qu'ils s'éveillent. Ce n'est donc pas assez. Il faut plus encore. Ces
vingt hommes doivent être surveillés par un homme qui n est pas lui-même endormi
ou qui ne s'endort pas aussi facilement que les autres, ou qui va consciemment
dormir lorsque cela est possible, lorsqu'il n'en peut résulter aucun mal ni pour
lui ni pour les autres. Ils doivent trouver un tel homme et l'embaucher pour
qu'il les éveille et ne leur permette plus de retomber dans le sommeil. Sans
cela, il est impossible de s'éveiller.
C'est ce qu'il faut comprendre.
« Il est possible de penser pendant un millier d'années, il est possible
d'écrire des bibliothèques entières, d'inventer des théories par millions et
tout cela dans le sommeil, sans aucune possibilité d'éveil. Au contraire, ces
théories et ces livres écrits ou fabriqués par des endormis auront simplement
pour effet d'entraîner d'autres hommes dans le sommeil, et ainsi de suite.
« Il n'y a rien de nouveau dans l'idée de sommeil. Presque depuis la création du
monde, il a été dit aux hommes qu'ils étaient endormis, et qu'ils devaient
s'éveiller. Combien de fois lisons-nous, par exemple, dans les Evangiles :
"Eveillez-vous", "veillez", "ne dormez pas". Les disciples du Christ, même dans
le jardin de Gethsémané, tandis que leur Maître priait pour la dernière fois,
dormaient. Cela dit tout. Mais les hommes le comprennent-ils ?Ils prennent cela
pour une figure de rhétorique, une métaphore. Ils ne voient pas dû tout que cela
doit être pris à la lettre. Et ici encore il est facile de comprendre pourquoi.
Il leur faudrait s'éveiller un peu, ou tenter à tout le moins de s'éveiller.
Sérieusement, il m'a souvent été demandé pourquoi les Evangiles ne parlent
jamais du sommeil... Il en est question à toutes les pages.
Cela montre simplement que les gens lisent les Evangiles en dormant. Tant qu'un
homme est dans un sommeil profond, entièrement submergé par ses rêves, il ne
peut même pas penser qu'il est endormi. S'il pouvait penser qu'il est endormi,
il s'éveillerait. Et ainsi vont les choses, sans que les hommes aient la moindre
idée de tout ce qu'ils perdent à cause de leur sommeil. Comme je l'ai déjà dit,
l'homme, tel qu'il est, tel que la nature l'a créé, peut devenir un être
conscient de soi. Créé à cette fin, il naît à cette fin. Mais il naît parmi des
endormis, et, naturellement, il tombe à son tour dans un profond sommeil juste
au moment où il devrait commencer , à prendre conscience de lui-même. Ici toutes
les choses louent leur rôle: l'imitation involontaire des adultes par l'enfant,
leurs suggestions volontaires ou involontaires et leur soi-disant "éducation". Toute tentative d'éveil de la part de l'enfant est aussitôt brisée.
Fatalement. Et combien d'efforts plus tard pour s'éveiller; de quelle aide
n'aura-t-on pas besoin lorsque des milliers d'habitudes qui poussent au sommeil
auront été accumulées. On s'en délivre très rarement. Et, dès son enfance même,
l'homme a déjà perdu, dans la plupart des cas, la possibilité de s'éveiller; il
vit toute sa vie dans le sommeil et il meurt dans le sommeil. De plus, bien des
gens meurent longtemps avant leur mort physique. Mais moment n'est pas encore
venu d'en parler.
« Maintenant, rappelez-vous ce que je vous ai déjà dit. Un homme pleinement
développé, ce que j'appelle "un homme au sens fort de ce mot" devrait posséder
quatre états de conscience. Les hommes ordinaires, c'est-à-dire les hommes n° 1,
2 3, ne vivent que dans deux états de conscience. Ils connaissent, ou du moins
peuvent connaître, l'existence du quatrième état. Tous ces "états mystiques" et
autres sont mal définis. Cependant, lorsqu'il ne s'agit pas de fraudes ni de
simulacres, ce sont là des éclairs de ce que nous appelons un état de conscience objective.
« Mais l'homme ne sait rien du troisième état de conscience et il ne le
soupçonne même pas. Il est même impossible qu'il puisse le soupçonner, parce
que, si vous le lui expliquez, si vous lui dites en quoi il consiste, il vous
dira que tel est son état habituel. Ne se considère-t-il pas lui-même comme un
être conscient qui gouverne sa propre vie ? Les faits le contredisent, mais il
les regarde comme accidentels ou momentanés, destinés à s'arranger d'eux-mêmes.
S'imaginant ainsi qu'il possède la conscience de soi, en quelque sorte par droit
de naissance, il ne lui viendra pas à l'esprit de tenter de l'approcher ou de
l'obtenir. Et cependant, en l'absence de la conscience de soi ou du troisième
état de conscience, le quatrième est impossible, si ce n'est par éclairs. Or la
connaissance, cette vraie connaissance objective - que les hommes à les
entendre s'efforceraient de conquérir, n'est possible que dans le quatrième état
de conscience. La connaissance acquise dans l'état ordinaire de conscience est
constamment entremêlée de rêves. Vous avez ainsi un tableau complet de l'être
des hommes 1, 2 et 3. »
p223 - G. nous rappelait une autre fois ce fait que nous oublions constamment
les difficultés de notre situation.
- Vous pensez souvent d'une façon très naïve, disait-il. Vous croyez déjà
pouvoir "faire". Et il est vrai que se débarrasser de cette conviction est la
chose du monde la plus difficile. Vous ne comprenez pas toute la complexité de
votre structure intérieure, vous ne vous rendez pas comte que chaque effort, en
plus des résultats souhaités - à supposer qu'il les donne - produit des milliers
de résultats inattendus, souvent indésirables. Enfin vous oubliez constamment
(c'est même là votre erreur la plus grave) que vous ne commencez pas par le
commencement, avec une belle machine toute propre et toute neuve. Il y a
derrière chacun de vous des années de vie fausse ou stupide. Toujours vous
cédiez à vos faiblesses, toujours vous fermiez les yeux sur vos erreurs,
essayant d'éviter toutes les vérités désagréables. Vous mentant constamment à
vous-mêmes, vous justifiant, blâmant les autres, et ainsi de suite. Tout cela
n'a pu que nuire à votre machine.
Ici, elle est sale et toute rouillée par endroits; là, son mauvais
fonctionnement a fait surgir des dispositifs artificiels.
« Ces dispositifs artificiels vont dès lors à chaque instant
contrarier vos bonnes intentions.
« Ils sont appelés "tampons".
« "Tampons" est un terme qui demande une explication spéciale. Chacun sait ce
que sont les tampons des wagons de chemin de fer : des appareils amortisseurs de
chocs.
En l'absence de ces tampons, les moindres chocs d'un wagon contre un autre
pourraient être très désagréables et dangereux. Les tampons atténuent les effets
de ces chocs et les rendent imperceptibles.
« Des dispositifs exactement analogues existent dans l'homme. Ils ne sont pas
créés par la nature, mais par l'homme lui-même, bien que de façon involontaire.
A leur origine se trouvent les multiples contradictions de ses opinions, de ses
sentiments, de ses sympathies, de ce qu'il dit, de ce qu'il fait. Si l'homme
devait sentir durant sa vie entière toutes les contradictions qui sont en lui,
il ne pourrait pas vivre ni agir aussi tranquillement que maintenant. Sans cesse
des frictions se produiraient en lui, ses inquiétudes ne lui laisseraient aucun
repos. Nous ne savons pas voir combien les différents "moi" qui composent notre
personnalité sont contradictoires et hostiles les uns aux autres. Si l'homme
pouvait sentir toutes ces contradictions, il sentirait ce qu'il est réellement.
Il sentirait qu'il est fou. Il n'est agréable pour personne de se sentir fou. De
plus, une telle pensée prive l'homme de sa confiance en lui-même, elle affaiblit
son énergie, elle le frustre du "respect de lui-même". D'une manière ou d'une
autre, il lui faut donc dominer cette pensée ou la bannir. Il doit ou bien
détruire ses contradictions ou bien cesser de les voir et de les éprouver.
L'homme ne peut pas détruire ses contradictions. Mais il cesse de les sentir
quand les tampons apparaissent en lui. Dès lors, il ne sent plus les chocs qui
résultent du heurt de vues, d'émotions et de paroles contradictoires.
« Les "tampons" se forment par degrés, lentement.
Un très grand nombre sont créés artificiellement par l'"éducation". D'autres
doivent leur existence à l'influence hypnotique de toute la vie environnante.
L'homme est entouré de gens qui parlent, pensent, sentent, vivent par
l'intermédiaire de leurs "tampons" Les imitant dans leurs opinions, leurs
actions et leurs paroles, il crée involontairement en lui-même des "tampons"
analogues, qui lui rendent la vie plus facile. Car il est très dur de vivre sans
"tampons". Mais ceux-ci empêchent toute possibilité de développement intérieur,
parce qu'ils sont faits pour amortir les chocs; or les chocs, et eux seuls,
peuvent tirer l'homme de l'état dans lequel il vit, c'est-à-dire l'éveiller.
Les "tampons" bercent le sommeil de l'homme, ils lui donnent l'agréable et
paisible sensation que tout ira bien, que les contradictions n'existent pas, et
qu'il peut dormir en paix. Les "tampons" sont des dispositifs qui permettent à
l'homme d'avoir toujours raison ; ils l'empêchent de sentir sa conscience.
p229 - « L'idée de morale se rattache à l'idée de bonne et de mauvaise conduite.
Mais la notion du bien et du mal diffère d'un homme à l'autre; elle est toujours
subjective chez l'homme n°1, 2 ou 3, et elle est chaque fois fonction du moment
ou de la situation. L'homme subjectif ne peut pas avoir de conception générale
du bien et du mal.
Pour l'homme subjectif, le mal est tout ce qui s'oppose à ses désirs, à ses
intérêts ou à sa conception du bien.
« On peut dire que pour l'homme subjectif le mal n'existe pas du tout. Il
n'existe pour lui que diverses conceptions du bien. Personne ne fait jamais rien
délibérément pour servir le mal, pour l'amour du mal. Chacun agit pour servir le
bien comme il l'entend. Mais chacun l'entend de façons différentes. Par
conséquent les hommes s'entre-déchirent et se massacrent pour servir le bien. La
raison en reste la même : leur ignorance et le profond sommeil dans lequel ils
vivent.
« C'est tellement évident qu'il semble même étrange que les gens n'y pensent
pas. Dans tous les cas, un fait demeure : ils ne peuvent pas s'élever à cette
compréhension, et chacun considère "son bien" comme le seul bien, et tout le
reste comme le mal. Il serait naïf et parfaitement vain de nourrir l'espoir que
les hommes puissent le comprendre jamais et développer en eux une idée générale
et identique du bien.
- Mais le bien et le mal n'existent-ils pas en eux-mêmes, en dehors de l'homme ?
demanda l'une des personnes présentes.
- Oui, dit G., seulement c'est très loin de nous et cela ne vaut pas la peine de
perdre notre temps à essayer de le comprendre maintenant. Rappelez-vous
simplement ceci : la seule idée permanente possible du bien et du mal pour
l'homme est liée à l'idée de l'évolution : non pas l'idée de l'évolution
mécanique bien sûr, mais à l'idée du développement de l'homme par ses efforts
conscients, par le changement de son être, par la création de l'unité en lui, et
par la formation d'un Moi permanent.
« Une idée permanente du bien et du mal ne peut se former en l'homme que si elle
est mise en rapport avec un but permanent et une compréhension permanente. Si un
homme comprend qu'il est endormi et s'il a le désir de s'éveiller, tout ce qui
pourra l'aider sera le bien et tout ce qui se mettra en travers de son chemin,
tout ce qui sera de nature à prolonger son sommeil, sera le mal. De même, il
pourra discerner exactement ce qui est bien et mal pour les autres. Ce qui les
aide à s'éveiller est bien, ce qui les en empêche est mal. Mais il n'en est
ainsi que pour ceux qui veulent s'éveiller c'est-à-dire pour ceux qui
comprennent qu'ils sont endormis. Les hommes qui ne se rendent pas compte qu'ils
sont endormis et qui ne peuvent pas avoir le désir de s'éveiller, ne peuvent pas
avoir la compréhension du bien et du mal. Et comme les gens, dans leur immense
majorité, ne se rendent pas compte qu'ils dorment et ne s'en rendront jamais
compte, jamais le bien ni le mal ne pourront exister pour eux.
« Cela contredit les idées généralement reçues. Les gens ont l'habitude de
penser que le bien et le mal doivent être le bien et le mal pour tout le monde,
et, surtout, que le bien et le mal existent pour tout le monde. En réalité, le
bien et le mal n'existent que pour un petit nombre, pour ceux qui ont un but et
qui tendent vers ce but. Alors pour eux, ce qui va à l'encontre de leur but est
le mal, et ce qui les aide est le bien.
« Mais la plupart des endormis diront naturellement qu'ils ont un but et qu'ils
suivent une direction définie.
Pour un homme, se rendre compte qu'il n'a pas de but et qu'il ne va nulle part
est le signe qu'il approche d'un éveil : c'est un signe que l'éveil devient
réellement possible pour lui. L'éveil d'un homme commence en cet instant où il
se rend compte qu'il ne va nulle part et qu'il ne sait pas où aller.
p290 - A l'une des réunions qui suivirent, après une assez longue conversation
sur l'être et le savoir, G. dit :
- En toute rigueur, vous n'avez pas encore le droit de parler du savoir, parce
que vous ne savez pas où commence le savoir.
« Le savoir commence avec l'enseignement des cosmos.
« Vous connaissez les expressions "macrocosme" et "microcosme". Elles signifient
"grand cosmos" et "petit cosmos", "grand monde" et "petit monde".
L'univers est regardé comme un "grand cosmos" et l'homme comme un "petit
cosmos", analogue au grand.
Ainsi est établi, en quelque sorte, l'idée de l'unité et de la similitude de
l'homme et du monde.
« La doctrine des deux cosmos se trouve dans la Kabbale et d'autres systèmes
plus anciens. Mais cette doctrine est incomplète et il est impossible d'en rien
tirer, de rien fonder sur elle, parce que cet enseignement n'est qu'un fragment,
un débris d'un enseignement ésotérique plus ancien, beaucoup plus complet, sur
les cosmos ou mondes emboîtés les uns dans les autres, et tous créés à l'image
et à la ressemblance du plus grand d'entre eux, lequel contient en lui tous les
autres. "Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas" est une expression
qui se réfère aux cosmos.
« Mais il est essentiel de savoir que la doctrine complète des cosmos ne parle
pas de deux, mais de sept cosmos contenus les uns dans les autres.
« Seule une vision globale de sept cosmos, dans leurs relations mutuelles, peut
nous donner un tableau complet de l'univers. L'idée de deux cosmos analogues,
unique vestige, accidentellement sauvé, d'un grand enseignement complet, est si
partielle qu'elle ne peut donner aucune idée de l'analogie entre l'homme et le
monde.
« La doctrine des cosmos considère sept cosmos.
« Le premier est le Protocosmos - le "premier cosmos".
« Le second est l'Ayocosmos - le saint cosmos ou Mégalocosmos, le "grand
cosmos".
« Le troisième est le Macrocosmos - le "vaste cosmos".
« Le quatrième est le Deuterocosmos - le "second cosmos".
« Le cinquième est le Mesocosmos - le "cosmos intermédiaire".
« Le sixième est le Tritocosmos - le "troisième cosmos".
« Le septième est le Microcosmos - le "petit cosmos".
« Le Protocosmos est l'Absolu dans le rayon de création ou monde 1.
L'Ayocosmos est le monde 3 ("Tous les mondes" dans le rayon de création). Le
Macrocosmos est notre monde stellaire ou Voie Lactée (monde 6 dans le rayon de
création). Le Deuteroccsmos est le Soleil, le système solaire (monde 12). Le
Mesocosmos est "Toutes les planètes" (monde 24), ou la terre en tant qu'elle
représente le monde planétaire. Le Tritocosmos est l'homme. Le Microcosmos est
l'"atome".
- Comme je l'ai déjà expliqué, dit G., on appelle "atome" la plus petite
quantité de n'importe quelle substance qui retienne toutes ses propriétés,
physiques, chimiques, psychiques et cosmiques. De ce point de vue, il peut y
avoir, par exemple, un "atome d'eau".
« Vous voyez que, dans l'ordre général des sept cosmos, le Microcosme et le
Macrocosme sont si éloignés l'un de l'autre qu'il est impossible de voir ou
d'établir entre eux aucune analogie directe.
« Chaque cosmos est un être animé qui vit, respire, pense, sent, naît et meurt.
« Tous les cosmos résultent de l'action des mêmes forces et des mêmes lois. Les
lois sont partout les mêmes.
Mais elles ne se manifestent pas tout à fait de la même façon sur les différents
plans de l'univers, c'est-à-dire sur les différents niveaux. Les cosmos ne sont
donc pas tout à fait analogues les uns aux autres. Leur analogie serait totale
si la loi d'octave n'existait pas; mais en raison de l'existence de cette loi,
il n'y a pas d'analogie complète entre eux, de même que l'analogie n'est pas
complète entre les différentes notes de l'octave. Seuls trois cosmos, pris
ensemble, sont parfaitement analogues à n'importe quel autre groupe de trois cosmos.
« Les conditions de l'action des lois sur chaque plan, c'est-à-dire dans chaque
cosmos, sont déterminées par les deux cosmos adjacents, celui qui est au-dessus
et celui qui est au-dessous. Trois cosmos immédiatement contigus donnent une
image complète de la manifestation des lois de l'univers. Une telle image ne
peut être donnée par un seul cosmos. Ainsi, pour bien connaître un cosmos, il
est indispensable de connaître les deux cosmos adjacents, celui qui est
au-dessus et celui qui est au-dessous, c'est-à-dire celui qui est plus grand et
celui qui est plus petit.
Pris ensemble, ces deux cosmos déterminent le troisième qui se trouve entre eux.
Le Mesocosmos et le Microcosmos pris ensemble déterminent le Tritocosmos. Le
Deuterocosmos et le Tritocosmos déterminent le Mesocosmos, et ainsi de suite.
« La relation d'un cosmos à l'autre est différente de la relation d'un monde à
l'autre dans le "rayon de création". Dans le "rayon de création", les mondes
sont envisagés selon la relation réelle dans laquelle ils existent, de notre
point de vue, dans l'univers : la Lune, la Terre, les Planètes, le Soleil, la
Voie Lactée, Tous les mondes et l'Absolu. Par suite, le système de relation des
mondes pris deux à deux dans le "rayon de création" n'est pas quantitativement
le même. Dans un cas, ou sur un niveau, ce système est plus grand, par exemple
la relation de "Tous les soleils" à notre soleil; dans un autre cas, sur un
autre niveau, il l'est moins - par exemple, la relation de la terre à la lune.
Au contraire, entre les cosmos, la relation est permanente et toujours la même.
En d'autres termes, d'un cosmos à l'autre, le rapport est toujours celui de zéro
à l'infini. Cela signifie que la relation du Microcosmos au Tritocosmos est la
même que celle de zéro à l'infini; la relation du Tritocosmos au Mesocosmos est
celle de zéro à l'infini; la relation du Mesocosmos au Deuterocosmos est celle
de zéro à l'infini, et ainsi de suite.
« Pour comprendre le sens de cette division entre les cosmos et la relation des
cosmos les uns aux autres, il est indispensable de comprendre ce que signifie la
relation de zéro à l'infini. Si nous comprenons ce que cela veut dire, le
principe de la division de l'univers en cosmos, la nécessité d'une telle
division et l'impossibilité de nous faire une image plus ou moins claire du
monde sans cette division, deviendront immédiatement évidents pour nous.
« L'idée des cosmos nous aide à comprendre notre place dans le monde, et elle
résout de nombreux problèmes, par exemple ceux qui sont relatifs à l'espace, au
temps...
« Et surtout cette idée nous permet d'établir avec précision le principe de
relativité. Ce dernier principe est particulièrement important, parce que sans
lui il est tout à fait impossible de se faire une exacte conception du monde.
« L'idée des cosmos nous permet de placer l'étude de la relativité sur une base
solide. A première vue, le système des cosmos peut sembler très paradoxal. En
réalité, cependant, ce paradoxe apparent n'est qu'une expression de la relativité.
« L'idée de la possibilité d'un élargissement de la conscience de l'homme et
d'un accroissement de ses capacités de connaissance est en relation directe avec
la doctrine des cosmos. Dans son état ordinaire, un homme est conscient de
lui-même dans un seul cosmos et il regarde tous les autres cosmos du point de
vue d'un seul cosmos. L'élargissement de sa conscience et l'intensification de
ses fonctions psychiques le conduisent jusque dans la sphère de l'activité et de
la vie de deux autres cosmos simultanément, l'un plus grand et l'autre plus
petit, l'un au-dessus et l'autre en dessous. L'élargissement de la conscience
ne se fait pas dans une seule direction, celle des cosmos supérieurs; en
s'élevant, elle descend aussi.
« Cette dernière idée vous expliquera peut-être quelques expressions que vous
pouvez avoir rencontrées dans la littérature occulte; par exemple, cet adage
selon lequel "la voie qui monte est en même temps la voie qui descend".
En règle générale, cette expression est très mal interprétée.
« En réalité, elle veut dire que la conscience d'un homme qui est passée, par
exemple, au niveau du monde planétaire, a atteint du même coup le niveau du
monde atomique : lorsqu'un homme commence à sentir la vie des planètes, il
commence en même temps à sentir la vie des atomes. De cette façon,
l'élargissement de la conscience s'opère simultanément dans deux directions,
vers le plus grand et vers le plus petit. L'un et l'autre, le plus grand et plus
petit, exigent également de l'homme, pour être connus, un changement intérieur.
Si l'on recherche des parallèles ou des analogies entre les cosmos, nous pouvons
considérer chacun d'eux selon trois relations :
1° dans sa relation à lui-même;
2° dans sa relation à un cosmos supérieur ou plus vaste;
3° dans sa relation à un cosmos inférieur ou plus petit.
« La manifestation des lois d'un cosmos dans un autre cosmos constitue ce que
nous appelons un miracle. Il ne peut y avoir aucune autre espèce de miracle. Un
miracle n'est ni une violation des lois, ni un phénomène en dehors des lois.
C'est un phénomène qui a lieu dans un cosmos selon les lois d'un autre cosmos.
Ces lois nous sont inconnues et incompréhensibles, et elles sont donc
miraculeuses.
« Pour comprendre les lois de la relativité, il est très utile d'examiner la vie
et les phénomènes d'un cosmos comme si on les observait d'un autre cosmos,
c'est-à-dire du point de vue des lois d'un autre cosmos. Tous les phénomènes de
la vie d'un cosmos donné, quand on les examine d'un autre cosmos, assument un
aspect et une signification complètement différents. De nombreux phénomènes
apparaissent, d'autres disparaissent. En règle générale, notre image du monde et
des choses s'en trouve totalement changée.
« Comme nous venons de le dire, seule l'idée des cosmos peut nous assurer une
base solide pour l'établissement des lois de la relativité. C'est sur la
compréhension des lois de la relativité que devraient être fondées la vraie
science et la vraie philosophie. Par conséquent, il est possible de dire que la
science et la philosophie, au sens vrai de ces mots, commencent avec l'idée des
cosmos. »
p310 - « Certain conte oriental parle d'un très riche magicien qui avait de
nombreux troupeaux de moutons. Ce magicien était très avare. Il ne voulait pas
prendre de bergers, et il ne voulait pas non plus mettre de clôture autour des
prés où paissaient ses moutons. Les moutons s'égaraient dans la forêt, tombaient
dans des ravins, se perdaient, et surtout s'enfuyaient à l'approche du magicien,
parce qu'ils savaient que celui-ci en voulait à leur chair et à leurs peaux. Et
les moutons n'aimaient pas cela.
« A la fin, le magicien trouva le remède. Il hypnotisa ses moutons et leur
suggéra tout d'abord qu'ils étaient immortels et que d'être écorchés ne pouvait
leur faire aucun mal, que ce traitement était au contraire excellent pour eux et
même agréable; ensuite le magicien leur suggéra qu'il était un bon pasteur, qui
aimait beaucoup son troupeau, qu'il était prêt à tous les sacrifices pour lui;
enfin, leur suggéra crue si la moindre chose devait leur arriver, cela ne
pouvait en aucun cas leur arriver dès maintenant, dès aujourd'hui, et que par
conséquent ils n'avaient pas à se tracasser. Après quoi le magicien mit dans la
tête de ses moutons qu'ils n'étaient pas du tout des moutons; à quelques-uns
d'entre eux, il suggéra qu'ils étaient des lions, à d'autres qu'ils étaient des
aigles, Y d'autres encore qu'ils étaient des hommes ou qu'ils étaient des
magiciens.
« Cela fait, ses moutons ne lui causèrent plus ni ennuis, ni tracas. Ils ne
s'enfuyaient plus jamais, attendant au contraire avec sérénité l'instant où le
magicien les tondrait ou les égorgerait.
« Ce conte illustre parfaitement la situation de l'homme.
« Dans la littérature dite "occulte", vous avez probablement rencontré les
expressions : "Kundalini", "le feu de Kundalini" ou "le serpent de Kundalini".
Ces termes sont souvent employés pour désigner une puissance étrange, latente en
l'homme, et qui peut être éveillée. Mais aucune des théories connues ne donne la
véritable explication de la force de Kundalini. Cette force est quelquefois
attribuée au sexe, à l'énergie sexuelle, c'est-à-dire associée à l'idée qu'il
est possible d'employer l'énergie du sexe à d'autres fins. Cette dernière
interprétation est complètement erronée, parce que Kundalini peut être en toutes
choses. Et surtout Kundalini n'est à aucun titre quelque chose de désirable ou
d'utile pour le développement de l'homme. Il est très curieux de constater
comment tes occultistes se sont emparés d'un mot dont ils ont complètement
altéré la signification, réussissant à faire de cette force très dangereuse un
objet d'espoir et une promesse de bénédiction.
« En réalité, Kundalini est la puissance de l'imagination, la puissance de la
fantaisie, qui usurpe la place d'une fonction réelle. Lorsqu'un homme rêve au
lieu d'agir, lorsque ses rêves prennent la place de la réalité, lorsqu'un homme
se prend lui-même pour un lion, un aigle ou un magicien, c'est la force de
Kundalini qui agit en lui. Kundalini peut agir dans tous les centres et, avec
son aide, tous les centres peuvent trouver leur satisfaction, non plus dans le
réel, mais dans l'imaginaire. Un mouton qui se prend lui-même pour un lion ou
pour un magicien, vit sous le pouvoir de Kundalini.
« Kundalini est une force qui a été introduite dans les hommes pour les
maintenir dans leur état actuel.
Si les hommes pouvaient vraiment se rendre compte de leur situation, sils
pouvaient en réaliser toute l'horreur, ils seraient incapables de demeurer tels
qu'ils sont, même pour une seconde. Ils commenceraient aussitôt à chercher une
issue, et ils la trouveraient très rapidement, parce qu'il y a une issue ; mais
les hommes manquent à la voir, simplement parce qu'ils sont hypnotisés.
Kundalini est cette force qui les maintient dans un état d'hypnose. S'éveiller,
pour l'homme, signifie être "déshypnotisé". C'est là la difficulté principale,
mais c'est là également que nous trouvons la garantie de la possibilité de
l'éveil, parce qu'il n'y a pas de légitimation organique d'un tel somme -
l'homme peut s'éveiller.
« Théoriquement il le peut, mais pratiquement cela est presque impossible, parce
qu'aussitôt qu'un homme ouvre les yeux, s'éveille pour un moment, toutes les
forces qui le retiennent dans le sommeil s'exercent de nouveau sur lui avec une
énergie décuplée, et immédiatement il retombe endormi, rêvant très souvent qu'il
est éveillé ou qu'il s'éveille.
« Dans le sommeil ordinaire, en certains cas, l'homme voudrait s'éveiller, mais
ne le peut pas. Il se dit qu'il est éveillé, mais, en réalité, il continue à
dormir - et cela peut se produire à différentes reprises avant qu'il ne
s'éveille enfin. Dans le cas du sommeil ordinaire, une fois l'homme éveillé, il
est dans un état différent; mais, dans le cas du sommeil hypnotique, c'est autre
chose : il n'y a pas de signés objectifs, du moins quand on commence à
s'éveiller; l'homme ne peut pas se pincer pour voir s'il n'est pas endormi. Et si
un homme - Dieu l'en préserve - a jamais entendu parler de signes objectifs,
Kundalini, les transforme aussitôt en imagination et en rêveries.
« Faute de réaliser pleinement la difficulté de l'éveil, il est impossible de
comprendre la nécessité d'un long et dur travail d'éveil.
p334 - En plus de tout ce qu'il avait dit sur les accumulateurs, G. fit une très
intéressante remarque au sujet du bâillement et du rire.
- Deux fonctions de notre organisme demeurent incompréhensibles et inexplicables
du point de vue scientifique, dit-il, bien que la science n'admette
naturellement pas qu'elle soit hors d'état de les expliquer : ce sont le
bâillement et le rire. Ni l'une ni l'autre ne peuvent être comprises ni
expliquées correctement, si l'on ignore tout des accumulateurs et de leur rôle
dans l'organisme.
« Vous avez remarqué que vous bâillez lorsque vous êtes fatigués. C'est
particulièrement frappant en montagne, lorsqu'un homme qui n'en a pas habitude
fait une ascension : il bâille presque sans discontinuer. Le bâillement a pour
effet d insuffler de l'énergie dans les petits accumulateurs. Lorsqu'ils se
vident trop rapidement, en d'autres termes lorsque l'un d'entre eux n'a pas le
temps de se remplir tandis que l'autre est en train de se vider, le bâillement
devient presque continuel. En certains cas morbides, il peut se produire un
arrêt du crieur, par exemple quand un homme veut bâiller, mais ne le peut pas;
dans 'autres cas, la fonction du bâillement étant déréglée, un homme peut
bâiller sans interruption, en pure perte, c'est-à-dire sans pouvoir en tirer
aucune énergie.
« L'étude et observation du bâillement, faites de ce point de vue, peuvent
révéler beaucoup de choses nouvelles et intéressantes.
« Le rire est lui aussi en rapport direct avec les accumulateurs. Mais le rire
est la fonction opposée au bâillement. Le rire n'insuffle pas d'énergie en nous,
au contraire il en expulse, il nous débarrasse de l'énergie superflue qui se
trouve emmagasinée dans les accumulateurs. Le rire n'existe pas pour tous les
centres, mais seulement pour les centres divisés en deux moitiés - positive et
négative. Je n'ai pas encore exposé cette question en détail; je le ferai
lorsque nous en viendrons à une étude plus poussée des centres. Pour le moment,
nous ne considérerons que le centre intellectuel. Certaines impressions peuvent
tomber sur, les deux moitiés du centre en même temps, et susciter du même coup
un "oui" et un "non" bien tranchés. Une telle simultanéité du "oui" et du "non"
provoque dans le centre intellectuel une sorte de convulsion, et, parce qu'il
est incapable d'harmoniser et de digérer ces deux impressions opposées qu'un
seul fait détermine en lui, le centre commence à déverser au dehors, sous forme
de rire, l'énergie qui afflue en lui de l'accumulateur sur lequel il se trouvé
branché. En d'autres cas, il arrive que l'accumulateur contienne beaucoup plus
d'énergie que le centre n'en peut dépenser.
Alors toute impression, même la plus ordinaire, peut être perçue comme double;
elle peut tomber simultanément sur les deux moitiés du centre et déclencher le
rire, c'est-à-dire une décharge d'énergie.
« Je ne vous donne ici, comprenez-le, qu'une esquisse.
Souvenez-vous seulement que le bâillement et le rire sont l'un et l'autre très
contagieux. Cela montre qu'ils sont essentiellement des fonctions des centres
instinctif et moteur.
- Pourquoi le rire est-il si agréable ? demanda quelqu'un.
- Parce que, répondit G., le rire nous délivre d'une énergie superflue qui, si
elle demeurait inemployée, pourrait devenu négative, c'est-à-dire toxique. Nous
avons toujours en nous une forte dose de cette substance toxique.
Le rire en est l'antidote. Mais cette antidote n'est nécessaire qu'aussi
longtemps que nous sommes incapables d'employer toute notre énergie à un travail
utile. On a dit du Christ qu'il ne riait jamais. Et en effet, vous ne trouverez
dans les Evangiles pas la moindre allusion au fait que le Christ ait ri une
seule fois. Mais il y a différentes façons de ne pas rire. Certains ne rient
jamais parce qu'ils sont complètement submergés par leurs émotions négatives,
leur méchanceté, leur peur, leur haine, leurs soupçons. Alors que d'autres ne
rient pas parce qu'ils ne peuvent pas avoir d'émotions négatives. Comprenez bien
ceci : dans les centres supérieurs, le rire ne saurait exister, pour cette
raison que, dans les centres supérieurs, il n'y a pas de division, pas de "oui"
ni de "non".
p362 - La continence absolue est-elle nécessaire pour la transmutation et, d'une
manière générale, l'abstinence sexuelle est-elle utile pour le travail sur soi ?
demanda quelqu'un.
Votre question en comporte beaucoup d'autres, dit G. L'abstinence sexuelle est
en effet nécessaire à la transmutation, mais dans certains cas seulement,
c'est-à-dire pour un certain type d'homme. Pour d'autres types, elle n'est pas
du tout nécessaire. Et pour d'autres encore, elle vient d'elle-même dès que
s'amorce la transmutation. Je vais vous l'expliquer plus clairement. Pour
certains types, une abstinence sexuelle longue et totale est indispensable pour
que la transmutation commence ; sans cette longue et totale abstinence, elle ne
peut pas commencer.
Mais dès que le processus est en bonne voie, l'abstinence cesse d'être
nécessaire. En d'autres cas, c'est-à-dire avec d'autres types, la transmutation
peut fort bien commencer, au contraire, dans une vie sexuelle normale; elle peut
même se faire plus tôt et se dérouler bien mieux avec une grande dépense
extérieure d'énergie sexuelle.
Dans le troisième cas, la transmutation au début ne requiert pas l'abstinence,
mais, par la suite, elle prend toute l'énergie du sexe et met fin à la vie
sexuelle normale ou à la dépense extérieure de l'énergie sexuelle.
« Passons à l'autre question : "l'abstinence sexuelle est-elle utile pour le
travail ou non ?"
« Elle est utile, s'il y a abstinence dans tous les centres.
S'il n'y a abstinence que dans un centre et pleine liberté d'imagination dans
les autres, il ne saurait avoir rien de pire. En outre, l'abstinence peut être
utile si l'homme sait comment utiliser l'énergie qu'il épargne de cette façon.
S'il ne le sait pas, aucun avantage ne peut être retiré de l'abstinence.
- Sous ce rapport, quelle est en général la forme de vie la plus juste, du point
de vue du travail ?
- C'est impossible à dire. Je le répète, tant qu'un homme ne sait pas, il est
préférable pour lui de ne rien entreprendre. Jusqu'à ce qu'il ait une
connaissance nouvelle et exacte, il sera tout à fait suffisant qu'il dirige sa
vie selon les règles et les principes communs. Dans ce domaine, lorsqu un homme
commence à faire des théories, ou à lâcher la bride à son imagination, cela ne
peut mener qu'à la psychopathie. Mais il faut encore se rappeler que, dans le
travail, seules les personnes complètement normales sous le rapport sexuel ont
une chance.
Toutes les sortes d'"originalités", tous les goûts étranges, les désirs
bizarres, la peur et l'action constante des "tampons", tout cela doit être
détruit dès le début. L'éducation moderne et la vie moderne créent un nombre
incalculable de psychopathes sexuels. Ils n'ont, dans le travail, pas la moindre
chance.
«D'une manière tout à fait générale, on peut dire qu'il n'y a que deux façons
légitimes de dépenser l'énergie sexuelle : la vie sexuelle normale et la
transmutation. Dans ce domaine, toute invention est des plus dangereuses.
« L'abstinence a été expérimentée depuis des temps immémoriaux. Parfois, très
rarement, elle a donné dés fruits mais ce qui dans la plupart des cas est appelé
abstinence n'est que l'échange des sensations normales pour des sensations
anormales, parcs que ces dernières sont plus faciles à cacher. Cependant ce
n'est pas de cela que je veux parler. je voudrais vous faire comprendre où gît
le plus grand mal et le principal facteur de notre esclavage. Ce n'est pas dans
le sexe même, mais dans l'abus du sexe. Mais on ne comprend presque, jamais ce
que signifie l'abus du sexe. Il ne s'agit pas ici des excès sexuels ou des
perversions sexuelles. Ce ne sont là que des formes relativement inoffensives de
l'abus du sexe. Non, il est indispensable de très bien connaître la machine
humaine pour comprendre ce qu'est l'abus du sexe, au sens vrai de cette
expression. Elle désigne le mauvais travail des centres dans leurs rapports avec
le centre sexuel, en d'autres termes, l'action du sexe s'exerçant à travers les
autres centres, et l'action des autres centres s'exerçant à travers le centre
sexuel ; ou, pour être encore plus précis, le fonctionnement du centre sexuel à
l'aide de l'énergie empruntée aux autres centres et le fonctionnement des autres
centres à l'aide de l'énergie empruntée au centre sexuel.
- Le sexe peut-il être regardé comme un centre indépendant ? demanda un des
auditeurs.
- Oui, répondit G. Mais en même temps, si nous considérons l'étage inférieur
comme un seul tout, alors le sexe peut être regardé comme la partie
neutralisante du centre moteur.
- Avec quel hydrogène le centre sexuel travaille-t-il ? demanda un autre.
Cette question nous avait tous intéressés pendant longtemps, mais nous n'avions
pu lui trouver de solution.
Et G., lorsque nous l'avions interrogé, avait toujours éludé une réponse directe.
- Le centre sexuel travaille avec l'hydrogène 12, dit-il cette fois.
C'est-à-dire qu'il devrait travailler avec lui. L'hydrogène 12, c'est si 12.
Mais le fait est qu'il travaille très rarement avec son hydrogène propre. Les
anomalies dans le travail du centre sexuel exigent une étude spéciale.
« En premier lieu, il doit être noté que, normalement, dans le centre sexuel,
aussi bien que dans le centre émotionnel supérieur et dans le centre
intellectuel supérieur, il n'y a pas de côté négatif. Dans tous les autres
centres, à l'exception des centres supérieurs, c'est-à-dire dans les centres
intellectuel, émotionnel, moteur et instinctif, il y a, pour ainsi dire, deux
moitiés - l'une positive et l'autre négative; affirmation et négation, "oui" et
"non", dans le centre intellectuel; sensations agréables et désagréables dans
les centres instinctif et moteur. Mais une telle vision n'existe pas dans le
centre sexuel. Il n'y a pas de côtés positif et négatif en lui. Il n'y a pas de
sensations désagréables ni de sentiments désagréables en lui : ou bien il y a
sensation agréable, sentiment agréable, ou bien il n'y a rien - absence de toute
sensation, complète indifférence. Mais par suite du mauvais travail des centres,
il arrive souvent que le centre sexuel entre en contact avec la partie négative
du centre émotionnel ou du centre instinctif. Dès lors, certaines stimulations
particulières, ou même n'importe quelles stimulations du centre sexuel, peuvent
évoquer des sentiments désagréables, des sensations désagréables.
Les personnes qui éprouvent de telles sensations ou de tels sentiments, suscités
en elles par des idées ou des imaginations liées au sexe, sont portées à les
regarder comme des preuves de vertu ou comme quelque chose d'original; en fait,
elles sont simplement malades. Tout ce qui est en rapport avec le sexe devrait
être, soit agréable, soit indifférent. Les sentiments et les sensations
agréables viennent tous du centre émotionnel ou du centre instinctif.
« Tel est l'abus du sexe. Mais il faut encore se rappeler que le centre sexuel
travaille avec l'hydrogène 12. Cela signifie qu'il est plus fort et plus rapide
que tous les autres centres. Le sexe, en fait, gouverne tous les autres centres.
La seule chose qui ait prise sur lui dans les circonstances ordinaires,
c'est-à-dire lorsque l'homme n'a ni conscience, ni volonté, c'est ce que nous
avons appelé les "tampons".
Ceux-ci peuvent le réduire littéralement a rien, c'est-à-dire qu'ils peuvent
empêcher ses manifestations normales.
Mais ils ne peuvent pas détruire son énergie. L'énergie subsiste et passe aux
autres centres, par lesquels elle s'exprime; autrement dit, les autres centres
dérobent au centre sexuel l'énergie qu'il n'emploie pas lui-même.
L'énergie du centre sexuel dans le travail des centres intellectuel, émotionnel
et moteur, se reconnaît à une "saveur" particulière, à une certaine ardeur, une
véhémence que rien ne nécessite. Le centre intellectuel écrit des livres, mais
quand il exploite l'énergie du centre sexuel, il ne s'occupe pas simplement de
philosophie, de science ou de politique - il est toujours en train de combattre
quelque chose, de se disputer, de critiquer, de créer de nouvelles théories
subjectives. Le centre émotionnel prêche le Christianisme, l'abstinence,
l'ascétisme, la crainte et l'horreur du péché, l'enfer, le supplice des damnés,
le feu éternel, et tout cela avec l'énergie du sexe... Ou bien il fomente des
révolutions, il pille, il brûle, il tue, avec cette même énergie dérobée au sexe.
Et toujours avec cette énergie, le centre moteur se passionne pour le sport, il
bat des records, il saute des haies, il escalade des montagnes, il lutte, il
combat, etc. Dans tous les cas où les centres intellectuel, émotionnel ou moteur
utilisent l'énergie du sexe, on retrouve cette véhémence caractéristique, en
même temps qu'apparaît l'inutilité du travail entrepris. Ni le centre
intellectuel, ni le centre émotionnel, ni le centre moteur ne peuvent jamais
créer quelque chose d'utile avec l'énergie du centre sexuel. Voilà un exemple de
l'abus du sexe.
« Mais il ne s'agit là que d'un aspect. Un second aspect est représenté par ce
fait que lorsque l'énergie du sexe est pillée par les autres centres et
gaspillée pour un travail inutile, il ne lui reste rien pour lui-même, et il
doit désormais voler l'énergie des autres centres, qui est de qualité bien
inférieure à la sienne et beaucoup plus grossière.
Cependant le centre sexuel est très important pour l'activité générale, et
particulièrement pour la croissance intérieure de (organisme, parce que,
travaillant avec l'hydrogène 12, il peut bénéficier d'une très fine nourriture
d'impressions, qu'aucun des autres centres ordinaires ne peut recevoir. Cette
fine nourriture d'impressions est très importante pour la production des
hydrogènes supérieurs.
Mais lorsque le centre sexuel travaille avec une énergie qui n'est pas la
sienne. C'est-à-dire avec les hydrogènes relativement inférieurs 48 et 24, ses
impressions deviennent bien plus grossières, et il cesse de tenir dans
l'organisme le rôle qu'il pourrait jouer. En même temps, son union avec le
centre intellectuel et l'utilisation de son énergie par le centre intellectuel
provoquent un excès d'imagination d'ordre sexuel, et par surcroît une tendance à
se satisfaire de cette imagination. Son union avec le centre émotionnel crée la
sentimentalité ou, au contraire, la jalousie, la cruauté. Voilà encore quelques
aspects de l'abus du sexe.
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