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Georges Ivanovitch Gurdjieff

Gurdjieff parle à ses élèves

 

 

"Ces textes ne sont pas une transcription directe. En effet, Gurdjieff ne permettait jamais à ses élèves de prendre des notes au cours des réunions. Fort heureusement, quelques auditeurs prévoyants, doués d'une mémoire exceptionnelle, s'efforçaient ensuite de reconstituer ce qu'ils avaient entendu.


Ces notes, si incomplètes soient-elles, ont été reconnues par ceux qui avaient assisté aux réunions comme aussi fidèles que possible à la parole de leur maître."

 

Voici quelques extraits significatifs, ils rendent compte de l'originalité de l'enseignement de Gurdjieff, le magnétisme, l'Institut, le sommeil, prolonger la vie, essence et personnalité, le stop, les quatre corps de l'homme, les deux sortes d'amour.


 

 

 

Le magnétisme

New-York, 9 décembre 1930

[...)p124

Q. - Qu'est-ce que le magnétisme ?

R. - Dans un vrai groupe, une vraie réponse pourrait être donnée à cette question. Disons que l'homme a deux substances en lui, la substance des éléments actifs du corps physique, et la substance provenant des éléments actifs de la matière astrale.

Les deux, en se combinant, constituent une troisième substance. Cette substance composée s'amasse, d'une part, dans certaines parties de l'homme et, d'autre part, forme une atmosphère autour de lui, semblable à celle qui entoure une planète.

L'atmosphère d'une planète acquiert ou perd continuellement des substances, sous l'action d'autres planètes. L'homme est entouré d'autres hommes tout comme les planètes sont entourées d'autres planètes. Lorsque, dans certaines limites, deux atmosphères se rencontrent, et que ces atmosphères sont ,«,en sympathie », il s'établit entre elles une relation qui donne des résultats conformes aux lois. Quelque chose circule. La quantité d'atmosphère reste la même, mais la qualité change. L'homme peut contrôler son atmosphère.

C'est comme pour l'électricité : il y a le positif et le négatif. L'un ou l'autre peut être augmenté et être amené à s'écouler comme un courant. Toute chose a une électricité positive et négative. En l'homme, les désirs et les non-désirs peuvent être positifs et négatifs. La matière astrale s'oppose toujours à la matière physique.

Dans les temps anciens, les prêtres étaient capables de guérir les maladies en bénissant. Certains prêtres devaient poser leurs mains sur le malade.
D'autres pouvaient guérir à une courte distance, d'autres encore à une grande distance. Un prêtre était un homme qui avait des « substances composées », et pouvait s'en servir pour guérir les autres.
Un prêtre était un « magnétiseur ». Les malades manquent de substances composées, manquent de magnétisme, manquent de « vie ».

Ces substances composées peuvent être vues si elles sont concentrées. Une aura, un halo, est une chose réelle et qui a pu quelquefois être vue dans des lieux saints ou des églises.

Mesmer redécouvrit l'usage de cette substance.
Pour être capable de l'utiliser, on doit d'abord l'acquérir.

Il en va de même pour l'attention.

L'attention ne s'acquiert que par le travail conscient et la souffrance volontaire, par de petites actions accomplies volontairement.

Faites d'un petit but votre dieu, cela vous conduira à acquérir du magnétisme. Le magnétisme, comme l'électricité, peut être concentré et transformé en courant.


L'Institut

Le Prieuré 21 août 1923

p146 - [...]
Il y a autre chose à comprendre. Notre Institut peut être comparé à l'atelier d'un dépôt de locomotives ou à un garage où sont effectuées des réparations. Lorsqu'un nouveau venu pénètre dans le garage, il découvre des machines qu'il n'avait jamais vues ailleurs. Et pour cause : toutes les voitures qu'il avait aperçues au-dehors étaient carrossées et peintes ; il ne sait pas comment elles sont faites. Les yeux de l'homme de la rue sont habitués à ne voir que la carrosserie. Ici, à l'atelier, les voitures sont sans capot. Les pièces sont démontées, toutes nettoyées et exposées au regard ; elles n'ont plus rien de commun avec ce qu'il a l'habitude de voir. A l'Institut, il en est de même. Quand une nouvelle personne arrive avec son bagage, elle est tout de suite mise à nu. Et alors tous ses plus mauvais côtés, toutes ses « beautés » cachées deviennent évidentes.
C'est pourquoi ceux qui parmi vous ne sont pas avertis de ce phénomène ont l'impression que nous n'avons vraiment rassemblé ici que des gens stupides, paresseux, bornés - bref, tous les déchets.
Mais chacun de vous oublie une chose importante ce n'est pas lui qui les voit tels qu'ils sont; quelqu'un les a mis à nu, c'est pourquoi il les voit et s'en attribue le mérite. Voyant les autres comme des imbéciles, il ne se rend pas compte qu'il est lui-même un imbécile. Si quelqu'un d'autre ne les avait pas exposés au grand jour, il se serait peut-être mis à genoux devant l'un ou l'autre d'entre eux. Il voit ceux qui l'entourent déshabillés mais il oublie que, lui aussi, il est déshabillé. Il s'imagine qu'ici, tout comme dans la vie, il peut porter un masque.
Mais sitôt qu'il a franchi les grilles de l'Institut, le gardien lui a ôté son masque. Ici il est nu ; chacun sent immédiatement ce qu'il est en réalité.

C'est pourquoi personne ici ne doit considérer intérieurement qui que ce soit. Si quelqu'un s'est mal comporté envers vous, ne soyez pas indigné, car vous aussi pourriez en faire autant. Vous devriez, au contraire, être très reconnaissant et vous estimer heureux de n'avoir jamais reçu de gifle de personne, car, à chaque pas, vous faites du mal à un autre.
Faut-il que ces gens soient gentils pour ne pas vous « considérer » ! Et pourtant, si quelqu'un vous fait le moindre tort, vous êtes prêt à lui casser la figure.

Vous devez comprendre cela clairement et vous comporter en conséquence. Vous devez essayer de vous servir des autres sous tous leurs aspects, bons ou mauvais ; et vous devez aussi aider les autres à travers tous les aspects qui vous sont propres, quels qu'ils soient. Si l'autre est intelligent, idiot, bienveillant, méprisable, soyez sûr qu'à d'autres moments vous aussi vous êtes stupide, intelligent, méprisable, consciencieux. Tous les gens sont les mêmes, seulement ils se manifestent de manières différentes selon les moments, exactement comme vous aussi, vous êtes différent selon les moments.
De même que vous avez besoin d'aide à différents moments, de même les autres ont besoin de votre aide. Et vous devez aider les autres non pour eux-mêmes, mais pour vous-même. Premièrement, si vous les aidez, ils vous aideront ; deuxièmement, à travers eux vous vous instruisez, pour le plus grand bien de ceux qui vous sont proches.

Il vous faut savoir encore une chose : chez beaucoup de personnes, certains états sont provoqués artificiellement, non par elles-mêmes mais par l'Institut. C'est pourquoi porter atteinte à cet état chez un autre peut gêner le travail de l'Institut. La seule chance de salut est de vous rappeler jour et nuit que vous êtes ici uniquement pour vous-même, et que vous ne devez être gêné par rien ni personne ; ou alors faites en sorte qu'ils ne vous gênent pas. Vous devez les utiliser comme moyens d'atteindre vos buts.

Cependant, on fait tout ici excepté ça. Vous avez transformé la vie de l'Institut en quelque chose de pire que la vie ordinaire. Bien pire même. A longueur de journée, les gens sont accaparés par des intrigues, ou déblatèrent les uns contre les autres, ou s'ils ne le font pas ouvertement, n'en pensent pas moins en leur for intérieur, ils jugent et considèrent chacun, trouvant l'un sympathique, l'autre antipathique ; ils affichent des amitiés, collectivement ou individuellement se jouent des tours sordides, le regard toujours fixé sur les mauvais côtés de chacun.

Il ne sert à rien de penser que certains sontmeilleurs que d'autres. Il n'y a pas d' « autres » ici. Ici, les gens ne sont ni intelligents ni stupides, ni anglais ni russes, ni bons ni mauvais. Il n'y a que des automobiles détraquées, comme vous. Et c'est seulement grâce à ces automobiles détraquées que vous pourrez atteindre ce que vous espériez en venant ici. Chacun de vous y pensait à son arrivée.
Maintenant il est nécessaire de vous le rappeler et de revenir à votre première idée.

Tout ce que j'ai dit peut se résumer en deux questions

1° Pourquoi suis-je ici ?

2° Cela vaut-il la peine que je reste?

 

Le sommeil

Le Prieuré 30 janvier 1923

p156 - [...]
Le sommeil de l'homme n'est rien d'autre que la rupture des connexions entre les centres. Les centres de l'homme ne dorment jamais. Puisque les associations constituent leur vie, leur mouvement, elles ne cessent jamais, elles ne s'arrêtent jamais.
L'arrêt des associations signifie la mort. Le mouvement des associations ne s'arrête pas un seul instant, dans aucun centre. Elles continuent à se dérouler même dans le plus profond sommeil. Si, à l'état de veille, un homme voit, entend, se sent penser, dans le demi-sommeil aussi, il voit, entend, se sent penser et il appelle cet état : sommeil. Même dans l'état où, croit-il, il cesse absolument de voir ou d'entendre, état qu'il appelle également : sommeil, les associations se poursuivent.

La seule différence est dans la force des connexions entre un centre et un autre.

Mémoire, attention, observation, ne sont rien d'autre que l'observation d'un centre par un autre, ou l'écoute d'un centre par un autre. Par conséquent, les centres en tant que tels n'ont pas besoin de s'arrêter ni de dormir. Le sommeil ne leur apporte ni bien ni mal. Le sommeil, comme on le nomme, n'a pas pour objet d'apporter du repos aux centres.
Comme je l'ai déjà dit, le sommeil profond survient lorsque les connexions entre les centres sont coupées.
En fait, le sommeil profond, le repos complet de la machine, s'établit une fois que tous les liens, toutes les connexions cessent de fonctionner.
Nous avons plusieurs centres et nous avons autant de connexions: disons cinq connexions. (En fait, ce n'est pas exact : certains hommes ont deux connexions, d'autres en ont sept. Nous avons pris cinq comme moyenne.) Ce qui caractérise l'état de veille, c'est que toutes ces connexions restent intactes. Mais si l'une d'elles est coupée ou cesse de fonctionner, nous ne sommes ni endormis ni éveillés.
Si une liaison est interrompue, nous ne sommes plus éveillés, nous ne sommes pas endormis non plus. Si deux liaisons sont coupées, nous sommes moins éveillés encore - mais nous ne sommes toujours pas endormis. Si une troisième liaison est coupée, nous ne sommes pas éveillés et nous ne sommes toujours pas vraiment endormis. Et ainsi de suite.

Donc ce n'est pas deux états que nous avons, l'un de sommeil et l'autre de veille, comme nous le croyons, mais plusieurs états. Entre l'état le plus actif et le plus intense que quelqu'un puisse connaître et l'état le plus passif, il existe des degrés déterminés. Si une seule des liaisons vient à se rompre, le fait n'est pas évident de l'extérieur et demeure imperceptible pour autrui. Il existe des gens dont la capacité de se mouvoir, de marcher, de vivre, ne prend fin que lorsque toutes les connexions sont rompues. Il en est d'autres chez qui il suffit d'interrompre deux connexions pour qu'ils tombent dans le sommeil.

Si nous considérons l'échelle entre le sommeil et la veille comme comportant sept connexions, alors il y a des gens qui continuent de vivre, de parler, de marcher dans le troisième degré du sommeil.

Les états profonds du sommeil sont les mêmes pour tous, mais les degrés intermédiaires sont souvent subjectifs.

Il y a même des « phénomènes » chez qui l'activité est au maximum au moment où une ou plusieurs de leurs connexions sont coupées. Si, du fait de son éducation, cet état est devenu habituel à un homme, si c'est dans cet état-là qu'il a acquis tout ce qu'il possède, son activité est échafaudée là-dessus et il ne peut être actif qu'à condition que cet état apparaisse. Mais pour vous personnellement, l'état actif est relatif : dans un certain état vous pouvez être actif. Il existe un état actif objectif, quand toutes les connexions sont intactes. Pour tous les états, il existe une activité subjective correspondante.

Ainsi il y a bien des degrés de sommeil et de veille. L'état actif est un état où les facultés de penser et de sentir travaillent au maximum de leur capacité et de leur intensité. S'il y a un état de veille objectif, c'est-à-dire un authentique état de veille, il y a aussi un état de sommeil objectif.
« Objectif » veut dire actif ou passif en réalité.

De toute façon, chacun doit comprendre que le but du sommeil n'est atteint que lorsque toutes les communications entre les centres sont coupées. Alors seulement la machine peut produire ce que le sommeil est censé produire.

Le sommeil profond est un état où nous n'avons ni rêves ni sensations. Si l'on a des rêves, cela signifie qu'une des connexions n'est pas coupée, puisque la mémoire, l'observation, la sensation, ne sont rien d'autre que l'observation d'un centre par un autre.
Donc quand vous voyez ce qui se passe en vous ou quand vous vous en souvenez, cela veut dire qu'un centre en observe un autre. S'il peut observer, c'est qu'il existe quelque chose à travers quoi observer. Et, s'il existe quelque chose à travers quoi observer, la connexion n'est pas rompue.
Par conséquent, si la machine est en bon état, il lui suffit de très peu de temps pour produire la quantité de matière qui est la raison d'être du sommeil ; en tout cas, beaucoup moins de temps que nous avons l'habitude de passer à dormir. Ce que nous appelons sommeil, quand nous dormons sept heures, dix heures ou Dieu sait combien de temps, n'est pas du sommeil. La plus grande partie de ce temps ne se passe pas à dormir, mais s'écoule dans des états intermédiaires, des états inutiles de demi-rêve.

Certaines personnes ont besoin de plusieurs heures pour s'endormir, et de plusieurs heures pour revenir à elles. Si nous pouvions nous endormir d'un coup, et passer rapidement du sommeil à la veille, nous n'accorderions à ces états intermédiaires que le tiers ou le quart du temps que nous y perdons actuellement.

Mais nous ne savons pas comment couper volontairement ces connexions. Elles sont coupées en nous et rétablies de façon mécanique.

Nous sommes esclaves de ce mécanisme. Quand « ça» lui plaît, nous pouvons passer à un autre état. Sinon, nous n'avons qu'à nous coucher et attendre que « ça » nous donne la permission de nous reposer.

Cette mécanicité et cette dépendance indésirable ont des causes diverses. L'une de ces causes tient à l'état chronique de tension dont nous parlions au début et qui est l'un des nombreux facteurs de déperdition de notre réserve d'énergie. Vous voyez donc que la libération de cette tension chronique servirait un double but. D'abord, nous épargnerions beaucoup d'énergie et, ensuite, nous éviterions de rester inutilement allongés à attendre le sommeil.

Voyez comme c'est simple, comme c'est facile à obtenir et comme c'est nécessaire. Se libérer de cette tension perpétuelle a pour nous une valeur inestimable.

Plus tard, je vous donnerai certains exercices pour cela. Je vous recommande de leur accorder une attention très sérieuse et de vous appliquer de toutes vos forces à obtenir de chacun de ces exercices ce qu'il est destiné à donner.

Il faut apprendre à tout prix à ne pas être tendu lorsque la tension n'est pas nécessaire. Quand vous êtes assis à ne rien faire, laissez votre corps dormir.
Quand vous dormez, dormez de telle manière que la totalité de vous-même dorme.

 

Y a-t-il un moyen de prolonger la vie?

New York, 15 mars 1924

p161
Question. - Y a-t-il un moyen de prolonger la vie ?

Réponse. - On peut trouver dans certaines écoles différentes théories sur la prolongation de la vie.
Il existe de nombreux systèmes ayant trait à ce sujet. Il y a même des originaux qui croient encore à l'existence d'un élixir de vie.

Je vais expliquer schématiquement comment je comprends la question.

Voici une montre. Vous savez qu'il existe différents modèles de montres. La mienne a un ressort conçu pour fonctionner vingt-quatre heures. Après vingt-quatre heures, elle s'arrête. Des montres d'un autre type peuvent fonctionner une semaine, un mois, peut-être même un an. Le mécanisme est toujours calculé pour un temps déterminé. Tel il a été fabriqué par l'horloger, tel il demeure.

Vous avez peut-être remarqué que les montres ont un régulateur. Si on le déplace, la montre peut marcher plus lentement ou plus vite. Si vous l'enlevez, le ressort peut se détendre très rapidement et, bien qu'ajusté pour fonctionner vingt-quatre heures, il s'épuisera en trois ou quatre minutes. Par contre, ma montre pourrait tout aussi bien marcher au ralenti pendant une semaine ou un mois, bien que son mécanisme ait été calculé pour vingt-quatre heures.

Nous sommes semblables à une montre. Notre système de fonctionnement est préétabli. Chaque homme possède plusieurs sortes de ressorts. Selon l'hérédité, le système diffère. Par exemple, un mécanisme peut être prévu pour durer soixante-dix ans. Quand le ressort tire à sa fin, la vie aussi tire à sa fin. Le mécanisme d'un autre homme peut être calculé pour durer cent ans ; c'est comme s'il avait été fabriqué par un autre artisan. Et chez certains, le ressort peut ne durer qu'une semaine.

Ainsi, chaque homme a un temps de vie qui lui est propre. Nous ne pouvons pas changer notre système. Chacun de nous reste tel qu'il a été créé.
La durée de la vie ne peut être changée ; si le ressort est détendu, c'est la fin.

La durée de la vie est déjà déterminée à la naissance et si nous pensons pouvoir y changer quelque chose, c'est pure imagination. Pour changer quelque chose, il faudrait tout changer: l'hérédité, notre père, notre grand-mère... Il est trop tard pour cela.

Quoique notre mécanisme ne puisse être modifié artificiellement, il est cependant possible de prolonger la vie. J'ai dit qu'au lieu de vingt-quatre heures, le ressort pourrait travailler pendant une semaine. Ou bien l'inverse: un ressort calculé pour fonctionner cinquante ans peut être déroulé en cinq ou six ans.

En chaque homme il y a un ressort principal, c'est son mécanisme. Le déroulement de ce ressort correspond à nos impressions et à nos associations.

Nous possédons d'autre part deux ou trois spirales - autant que de cerveaux. Les cerveaux correspondent à ces ressorts. Par exemple, notre pensée est un de ces ressorts. Nos associations mentales ont une certaine durée définie.

Penser, c'est comme dérouler une bobine de fil. Chaque bobine comporte une certaine longueur de fil. Quand je pense, le fil se déroule. Ma bobine a cinquante mètres de fil, celle d'un autre en a cent.
Aujourd'hui j'ai dépensé deux mètres, demain j'en dépenserai autant, et quand les cinquante mètres tireront à leur fin, ma vie aussi tirera à sa fin. La longueur du fil ne peut être changée.

Mais de même qu'un ressort conçu pour fonctionner vingt-quatre heures peut se dérouler en dix minutes, de même la vie peut s'épuiser rapidement.
La seule différence est que d'ordinaire la montre possède un ressort unique, tandis que l'homme en I possède plusieurs. A chaque centre correspond un ressort de longueur différente. Quand l'un de ses ressorts s'arrête, l'homme peut continuer à vivre.

Par exemple, son système de pensée a été calculé pour durer soixante-dix ans, celui de son sentiment pour durer quarante ans. Après quarante ans, cet homme continue à vivre, mais sans sentiment.

Cependant, le déroulement du ressort peut être accéléré ou ralenti. Rien ne peut être développé dans ce domaine ; la seule chose que nous puissions faire est d'économiser.

Le temps est proportionnel au flux des associations ; il est relatif. Pour le comprendre, rappelez-vous par exemple ceci : vous êtes assis chez vous, vous êtes au calme ; vous croyez avoir été assis durant cinq minutes, mais l'horloge vous prouve qu'une heure s'est écoulée. Une autre fois vous attendez quelqu'un dans la rue ; vous êtes fâché que la personne n'arrive pas. Vous pensez que vous êtes là depuis une heure tandis qu'il ne s'est écoulé que cinq minutes : c'est parce que, pendant ce temps, vous avez eu beaucoup d'associations. Vous pensiez: « Pourquoi ne vient-elle pas ? Peut-être a-t-elle été renversée par une voiture ? » et ainsi de suite.

Plus vous vous concentrez, plus le temps vous paraît court. Une heure peut passer inaperçue car si vous vous concentrez, vous avez très peu d'associations, très peu de pensées, très peu de sentiments.

Le temps est subjectif ; il dépend des associations. Quand vous êtes assis sans concentration, le temps vous paraît long. Extérieurement, le temps n'existe pas ; il n'existe pour nous qu'intérieurement.

Dans les autres centres, les associations se déroulent exactement comme dans le centre de pensée.
Le secret, pour prolonger la vie, est d'être capable de dépenser l'énergie de nos centres lentement - et toujours intentionnellement.

Apprenez à penser consciemment. Cela permet une économie dans la dépense de l'énergie. Ne rêvez pas.

 

Essence et personnalité

New York, 29 mars 1924

p199
Pour mieux comprendre ce que signifient considération extérieure et considération intérieure, vous devez comprendre qu'il y a en chaque homme deux parties complètement séparées, en quelque sorte deux hommes différents. Ce sont : son essence et sa personnalité.

L'essence est JE - c'est notre hérédité, notre type, notre caractère, notre nature.

La personnalité est une chose accidentelle - l'éducation, l'instruction, les opinions - tout ce qui est extérieur. Elle est comme les vêtements que vous portez, votre masque, le résultat de votre éducation ou l'influence de votre entourage, les opinions faites d'informations et de connaissances qui changent chaque jour et s'annulent les unes les autres.

Aujourd'hui, vous êtes convaincu d'une chose, vous y croyez, vous la voulez. Le lendemain, sous une autre influence, vos croyances, vos désirs deviennent différents. Tout le matériel qui constitue votre personnalité peut être modifié du tout au tout, artificiellement ou accidentellement, par un changement des conditions environnantes, et cela en un rien de temps.

L'essence, elle, ne change pas. Par exemple, j'ai un teint basané et je resterai comme je suis né. Cela appartient à mon type.

Ici, quand nous parlons de développement et de changement, nous parlons de l'essence. Notre personnalité reste une esclave ; elle peut être modifiée très rapidement, même en une demi-heure. Par exemple, par l'hypnose, on peut changer vos convictions, et cela parce qu'elles vous sont étrangères, parce qu'elles ne sont pas à vous. Tandis que ce qui constitue notre essence est à nous.

Nous considérons toujours avec l'essence, mécaniquement. Chaque influence suscite mécaniquement une considération importante.

Mécaniquement je vous plais ; mécaniquement vous recevez cette impression de moi. Mais ce n'est pas vous. Cela ne vient pas de la conscience, cela se fait mécaniquement. Sympathie et antipathie, c'est une question de correspondance de types. Intérieurement je vous plais, et bien que par la raison vous sachiez que je ne vaux rien, que je ne mérite pas votre sympathie, vous ne pouvez pas m'en vouloir. Ou encore : vous voyez que je suis bon, mais je ne vous plais pas - et cela restera toujours comme cela.

Mais nous avons la possibilité de ne pas considérer intérieurement. Pour le moment, vous ne le pouvez pas parce que votre essence est une fonction. Notre essence se compose de plusieurs centres, mais notre personnalité n'a qu'un centre, l'appareil formateur.

Rappelez-vous l'image de la voiture, du cheval et du cocher. Notre essence est le cheval. C'est précisément le cheval qui ne devrait pas considérer. Mais même si vous vous en rendez compte, le cheval, lui, l'ignore, car il ne comprend pas votre langage. Vous ne pouvez pas lui donner d'ordres à ce sujet, lui apprendre à ne pas considérer, à ne pas réagir, à ne pas répondre.

Avec votre raison, vous voudriez ne pas considérer, mais avant tout vous devez apprendre le langage du cheval, sa psychologie, pour être capable de lui parler. Ensuite vous pourrez faire ce que votre raison et votre logique désirent.

Mais si vous tentez de l'éduquer tout de suite, vous ne pourrez rien lui enseigner, rien changer, même en cent ans. Cela restera un vaeu gratuit.
Pour le moment, vous avez deux mots à votre disposition : « à droite » et « à gauche ». Quand vous tirez les rênes, le cheval obéit, et encore pas toujours : seulement quand il a la panse pleine. Mais si vous commencez à lui faire un discours, il continuera simplement à chasser les mouches avec sa queue, et vous pourrez vous imaginer qu'il vous comprend.

Avant que notre nature ne soit gâtée, dans l'équipage, le cheval, la voiture, le cocher, le maître ne faisaient qu'un ; tous avaient une compréhension commune, tous travaillaient ensemble ; leurs moments d'effort, de détente, de repas étaient les mêmes.

Mais le langage a été oublié, chacune des parties s'est séparée et vit seule, coupée du reste. Pourtant, à certains moments, il faudrait qu'elles travaillent ensemble. Mais c'est impossible : l'une d'elles veut une chose, une autre veut autre chose.

Il s'agit de rétablir ce qui a été perdu et non pas d'acquérir quoi que ce soit de nouveau. C'est là le but du développement.

Pour cela, il est indispensable d'apprendre à distinguer l'essence de la personnalité et à les séparer.
Quand vous pourrez le faire, vous saurez ce qu'il faut changer, et comment. Entre-temps, vous n'avez qu'une possibilité : étudier. Vous êtes faibles, vous êtes dépendants, vous êtes esclaves. Briser tout d'un coup les habitudes accumulées depuis des années est difficile. Plus tard, il vous sera possible de remplacer certaines habitudes par d'autres. Elles seront mécaniques, elles aussi. L'homme dépend toujours d'influences extérieures. Seulement, certaines influences sont des entraves, d'autres non.

Pour commencer, il est nécessaire de préparer des conditions pour le travail. Il y a beaucoup de conditions. Aujourd'hui, vous pouvez seulement observer et rassembler du matériel qui sera utile pour travailler. Au moment même, vous ne pouvez pas distinguer d'où viennent vos manifestations - de l'essence ou de la personnalité. Mais si vous regardez avec soin, après coup, vous pourrez comprendre.

Pendant que vous rassemblez du matériel, vous ne pouvez pas le voir. Et cela parce que, d'ordinaire, l'homme ne dispose que d'une attention, dirigée vers ce qu'il est en train de faire. La pensée ne voit pas les sentiments, et vice versa.

L'observation exige beaucoup de choses. Avant tout la sincérité envers soi-même. Et c'est très difficile. Il est beaucoup plus facile d'être sincère avec un ami. L'homme a peur de voir le mal. Si par hasard, plongeant profondément en lui-même, il voit ce qui est mal en lui, il découvre sa nullité.
Nous avons l'habitude de chasser les pensées qui nous concernent, parce que nous avons peur des remords de conscience. La sincérité est comme la clef qui ouvrira la porte d'où une partie peut en voir une autre. Avec la sincérité, l'homme peut regarder une chose en face, et la voir.

La sincérité envers soi-même est très difficile parce qu'une croûte épaisse a recouvert l'essence.
Année après année, l'homme endosse de nouveaux vêtements, pose sur son visage un nouveau masque.
Il faut progressivement enlever tout cela - se libérer, se dénuder soi-même. Tant que l'homme ne s'est pas mis à nu, il ne peut pas voir.

Au début du travail, il y a un exercice très utile car il aide à se voir, à rassembler du matériel. Cet exercice c'est : se mettre à la place d'un autre. Il doit être entrepris comme une tâche.

Pour expliquer ce que je veux dire, prenons un exemple. Je sais que vous avez besoin de cent dollars pour demain irais vous ne les avez pas.
Vous essayez de les obtenir mais en vain. Vous êtes sombre. Vos pensées, vos sentiments sont occupés par ce problème. Le soir, vous assistez à la conférence. La moitié de vous-même continue à penser à l'argent. Vous êtes distrait, nerveux. Si aujourd'hui je vous dis un mot désagréable, vous vous mettrez en colère. Tandis que demain, quand vous aurez l'argent, vous en rirez peut-être. Si je vois que vous êtes en colère ce soir, comme je sais que vous n'êtes pas toujours ainsi, j'essaie d'entrer dans votre position. Je me demande comment j'agirais à votre place si quelqu'un était désagréable avec moi. A force de me poser la question, je comprendrai bientôt que si quelqu'un est blessé ou.
énervé par une impolitesse, il y a toujours, sur le moment, une raison à cela. Je comprendrai bientôt que tout le monde est pareil - que personne n'est toujours mauvais ou toujours bon. Nous sommes tous pareils. De même que je change, de même l'autre change. Si vous réalisez cela, si vous vous le rappelez, si vous pensez à votre tâche et l'entreprenez au bon moment, vous verrez beaucoup de choses en vous-mêmes et autour de vous, des choses que vous n'aviez jamais vues auparavant. C'est la première étape.

La seconde étape, c'est la pratique de la concentration.

Avec cet exercice, vous pouvez atteindre quelque chose d'autre. L'observation de soi est très difficile, mais elle peut apporter un matériel considérable. Si vous vous rappelez comment vous vous manifestez, comment vous réagissez, comment vous sentez et quelle sorte de désirs vous avez, vous pourrez apprendre beaucoup. Parfois, vous pourrez distinguer d'un coup ce qui est de la pensée, ce qui est du sentiment, ce qui est du corps.

Chaque partie se trouve sous des influences différentes ; et si nous nous libérons de l'une, nous devenons esclaves d'une autre. Par exemple, je peux être libre dans mon esprit, mais je ne suis pas capable de changer les émanations de mon corps - mon corps répond différemment. Un homme assis près de moi m'affecte par ses émanations. Je sais que je devrais être poli, mais j'éprouve pour lui de l'antipathie. Chaque centre a sa propre sphère d'émanations, et parfois on ne peut pas y échapper.

Je vous conseille de combiner cet exercice avec l'observation de soi.

Mais nous oublions toujours. Nous ne nous rappelons qu'après coup. Au moment opportun, votre attention est occupée, par exemple par le fait que vous n'aimez pas cet homme, et que vous ne pouvez pas vous empêcher d'éprouver cette antipathie. Il ne faut pas oublier ce fait, il faut l'enregistrer dans la mémoire. Le goût d'une expérience ne se garde qu'un temps. Sans attention, les manifestations s'évanouissent. On devrait tout noter dans la mémoire, sinon on oublie. Et ce que nous voulons, c'est ne pas oublier.
Il y a des choses qui ne se répètent que rarement.
Accidentellement, vous voyez quelque chose, mais si vous ne vous le rappelez pas, vous le perdez pour toujours. Si vous voulez « connaître l'Amérique », vous devez l'imprimer dans votre mémoire.
Assis dans votre chambre, vous ne verrez rien c'est dans la vie qu'il faut observer. Dans votre chambre, vous ne développez pas le maître. Un homme peut être fort dans un monastère, mais faible dans la vie, et nous avons besoin de force pour vivre. Par exemple, dans un monastère, un homme peut rester sans manger pendant une semaine, mais dans la vie, il ne pourra même pas rester sans manger pendant trois heures. Alors, à quoi lui auront servi ses exercices ?

 

L'exercice du « stop »

Paris, 6 août 1922

p204
L'exercice du « stop » ["stop" extrait du film de Peter Brook "Meetings with remarkable men"] est obligatoire pour tous les élèves de l'Institut. Dans cet exercice, au commandement de « stop », ou à un signal convenu d'avance, chaque élève doit instantanément arrêter tout mouvement, où qu'il se trouve et quoi qu'il soit en train de faire. Que ce soit en plein milieu de mouvements rythmiques ou dans la vie ordinaire de l'Institut, au travail ou à table, il doit non seulement stopper ses mouvements, mais figer l'expression du visage, son sourire, son regard et la tension de tous les muscles de son corps, exactement dans l'état où ils se trouvaient au moment du « stop ».
Il doit tenir les yeux fixés sur le point même vers lequel son regard était dirigé au moment du commandement. Pendant qu'il est dans cet état de mouvement suspendu, l'élève doit aussi arrêter le cours de ses pensées et n'admettre aucune pensée nouvelle, quelle qu'elle soit. II doit concentrer son attention tout entière sur l'observation de la tension des muscles dans les différentes parties de son corps, dirigeant cette attention d'une partie du corps à une autre en veillant à ce que la tension musculaire reste la même, sans jamais augmenter ni diminuer.
L'homme ainsi stoppé et se tenant immobile West pas dans une « pose ». Il s'agit simplement d'une interruption du mouvement au moment du passage d'une pose à une autre.

Généralement, nous passons d'une pose à une autre si rapidement que nous ne remarquons pas les attitudes que nous prenons pendant le passage.
L'exercice du « stop » nous donne la possibilité de voir et de sentir notre propre corps dans des positions et des attitudes qui lui sont entièrement inhabituelles et qui ne lui sont pas naturelles.

Chaque race, chaque nation, chaque époque, chaque pays, chaque classe et chaque profession possèdent un nombre limité de poses qui leur sont propres, dont ils ne sortent jamais et qui représentent le style particulier de l'époque, de la race ou de la profession donnée.

Chaque homme, selon son caractère individuel, emprunte à ce style un certain nombre de poses qui lui correspondent et, par conséquent, chaque individu a un répertoire de poses extrêmement limité.
Cela peut se constater, par exemple, dans une œuvre d'art de mauvaise qualité, lorsqu'un artiste habitué à exprimer mécaniquement le style d'une époque et les mouvements d'une race ou d'une classe essaie de dépeindre une autre race ou une autre classe.

De tels exemples abondent dans les journaux illustrés où nous voyons souvent des Orientaux représentés avec des mouvements et des attitudes de soldats anglais, ou des paysans avec des gestes et des postures de chanteurs d'opéra.

Le style des mouvements et des poses de chaque époque, de chaque race et de chaque classe est indissolublement lié à certaines formes de pensées et de sentiments. Et ils sont si étroitement liés qu'un homme ne peut changer ni la forme de ses pensées ni celle de ses sentiments sans avoir changé son répertoire de poses.

Les formes de pensées et de sentiments peuvent être appelées « poses » de la pensée et du sentiment.
Chaque homme a un nombre défini de poses intellectuelles et émotionnelles, tout comme il a un nombre défini de poses motrices. Et ses poses physiques, intellectuelles et émotionnelles sont toutes interdépendantes. De sorte qu'un homme ne peut jamais échapper à son propre répertoire de poses intellectuelles et émotionnelles, à moins que ses poses physiques ne soient changées.

L'analyse psychologique et l'étude des fonctions psychomotrices, appliquées d'une certaine manière, démontrent que chacun de nos mouvements, volontaire ou involontaire, est une transition inconsciente entre une posture automatiquement fixée et une autre, également automatique. Que nos mouvements soient volontaires est une illusion ; en fait, ils sont automatiques. Nos pensées et nos sentiments, eux aussi, sont automatiques. Et l'automatisme de nos pensées et de nos sentiments est étroitement lié à l'automatisme de nos mouvements. L'un ne peut pas être changé sans l'autre. Et si, par exemple, l'attention d'un homme est mobilisée en vue de changer l'automatisme de la pensée, ses mouvements habituels et ses postures viendront entraver cette nouvelle manière de penser en faisant surgir les vieilles associations habituelles.

Nous ne voyons pas à quel point les fonctions intellectuelles, émotionnelles et motrices sont interdépendantes, même si nous constatons combien nos humeurs et nos états émotionnels dépendent de nos mouvements et de nos postures. Si un homme prend une pose qui correspond en lui à un sentiment de chagrin ou de dégoût, alors très vite il éprouvera réellement un sentiment de chagrin ou de dégoût.
La peur, l'indifférence, l'aversion, etc., peuvent être créées par des changements de pose artificiels.

Puisque toutes les fonctions de l'homme, intellectuelle, émotionnelle et motrice, possèdent leur propre répertoire de poses et agissent constamment l'une sur l'autre, il s'ensuit qu'un homme ne peut jamais sortir de son propre répertoire.

Les méthodes de travail de l'Institut pour le développement harmonique de l'Homme offrent une possibilité de sortir de ce cercle d'automatismes enracinés, et l'un de ces moyens, spécialement au début du travail sur soi, est l'exercice du « stop ».
Une étude non mécanique de soi-même n'est possible que grâce à la juste application de l'exercice du « stop ».

Le mouvement qui a été commencé est interrompu par un ordre ou un signal subit. Le corps s'immobilise et se fige au moment du passage d'une pose à une autre, dans une attitude où il ne s'arrête jamais dans la vie ordinaire. En se percevant dans cet état, c'est-à-dire dans l'état de cette pose inaccoutumée, un homme se regarde d'un point de vue nouveau, se voit et s'observe comme jamais il ne l'a fait. Dans cette pose qui ne lui est pas habituelle, il peut penser d'une manière nouvelle, sentir d'une manière nouvelle et se connaître d'une manière nouvelle. Le cercle des vieux automatismes est brisé. Le corps lutte en vain pour reprendre la pose habituelle qui lui est confortable. La volonté de l'homme, mobilisée par le commandement « stop ! », s'oppose à cela. Le « stop » est un exercice qui s'adresse simultanément à la volonté, à l'attention, à la pensée, au sentiment et au mouvement.

Mais il faut comprendre que pour activer lavolonté avec assez de force pour qu'un homme se maintienne dans une pose inaccoutumée, il est indispensable que le commandement « stop ! » vienne de l'extérieur.

Un homme ne peut pas se donner le commandement « stop ! » à lui-même, car sa volonté ne se soumettrait pas à cet ordre. Et cela parce que la combinaison des postures intellectuelles, émotionnelles et motrices habituelles est plus forte que la volonté.

Le commandement « stop ! », venu de l'extérieur, prend la place même des poses intellectuelles et émotionnelles et, à ce moment-là, les poses motrices se soumettent à la volonté.

 

Les quatre corps de l'homme

New York, 17 février 1924

p277
Travailler sur soi-même n'est pas aussi difficile que de vouloir travailler, que d'en prendre la décision. Pour cela, il faudrait que nos centres se mettent d'accord, après avoir compris que pour faire quoi que ce soit ensemble ils doivent se soumettre à un maître commun. Mais il leur est difficile de se mettre d'accord, car s'il y avait un maître, il ne serait plus possible à aucun d'entre eux de donner des ordres aux autres, ni de faire ce qui lui plaît. Chez l'homme ordinaire, il n'y a pas de maître. Et là où il n'y a pas de maître, il n'y a pas d'âme.

L'âme, c'est le but de toutes les religions, de toutes les écoles. Mais ce n'est qu'un but, une possibilité ; ce n'est pas un fait.

L'homme ordinaire n'a ni âme ni volonté. Ce qu'on appelle habituellement « volonté » n'est que la résultante des désirs. Si un homme a un désir quelconque et qu'au même moment surgisse en lui un désir opposé, plus fort que le premier, le second engloutira le premier et le fera disparaître. C'est là ce qu'on appelle volonté dans le langage ordinaire.

L'enfant ne naît jamais avec une âme. L'âme ne peut être acquise qu'au cours de la vie. Et encore c'est un grand luxe, réservé à un petit nombre. La plupart des gens passent toute leur vie sans âme, sans maître. Pour la vie ordinaire, une âme n'est pas du tout nécessaire.

Mais l'âme ne peut pas naître de rien. Toute chose est matérielle. L'âme aussi est matérielle ; mais elle est constituée d'une substance très fine.
Pour acquérir une âme, il faut avant tout posséder la substance correspondante.

Or, nous n'avons même pas assez de matériel pour nos fonctions quotidiennes. Par conséquent, si nous voulons nous assurer la substance nécessaire, le capital indispensable, il nous faut commencer par économiser en vue du lendemain. Par exemple, si j'ai l'habitude de manger une pomme de terre par jour, je n'en mangerai que la moitié et mettrai l'autre moitié de côté ; ou même je jeûnerai complètement. Et la réserve de substances doit être grande; autrement ce qu'il y a sera bientôt dissipé.

Si nous avons quelques cristaux de sel et les mettons dans un verre d'eau, ils se dissoudront rapidement. Nous pourrons en ajouter et en rajouter, ils se dissoudront encore. Mais vient un moment où la solution est saturée. Alors le sel ne se dissout plus et les cristaux restent entiers au fond du verre.

Il n'en va pas autrement pour l'organisme humain. Même si les matériaux requis pour la formation de l'âme sont constamment produits dans l'organisme, ils y sont dispersés et dissous. Il faut qu'il y ait surabondance de ces matériaux pour que la cristallisation soit possible.

La matière ainsi cristallisée prend alors la forme du corps physique de l'homme ; elle en est la copie et peut en être séparée. Ces deux corps ont une vie différente, et chacun d'eux est assujetti à un ordre de lois différent. Le second corps est le « corps astral ». Par rapport au corps physique, il est ce qu'on appelle l'âme. La science entrevoit déjà la possibilité d'établir expérimentalement l'existence du second corps.

Si nous parlons de l'âme, nous devons expliquer qu'il peut y avoir plusieurs catégories d'âmes, mais qu'il n'en est qu'une qui puisse vraiment porter ce nom.

Une âme, comme il vient d'être dit, s'acquiert au cours de la vie. Si l'homme qui a commencé à accumuler ces substances meurt avant qu'elles aient cristallisé, alors, à l'instant même de la mort du corps physique, ces substances se désagrègent aussi et sont dispersées.

Comme tout autre phénomène, l'homme est le produit de trois forces.

De même que toute chose vivante, la Terre, le monde planétaire et le Soleil envoient des émanations. A travers l'espace situé entre le Soleil et la Terre se propagent, pour ainsi dire, trois mélanges d'émanations. Les émanations du Soleil qui sont de plus longue portée, en raison de son plus grand volume, atteignent la Terre et même passent au travers sans être arrêtées parce qu'elles sont les plus fines. Les émanations des planètes atteignent la Terre mais n'atteignent pas le Soleil. Les émanations de la Terre sont encore plus courtes. Ainsi, dans les limites de l'atmosphère de la Terre, il existe trois sortes d'émanations - celles du Soleil, celles de la Terre et celles des planètes. Au-delà, il n'y a plus d'émanations de la Terre, il n'y a que les émanations du Soleil et des planètes ; et plus haut encore, il n'y a plus que les émanations du Soleil.

L'homme est le résultat de l'interaction des émanations planétaires et de l'atmosphère terrestre avec les matières de la Terre. A la mort d'un homme ordinaire, son corps physique se désagrège en ses parties constituantes ; les parties issues de la Terre vont à la Terre. « Tu n'es que poussière et tu retourneras en poussière. » Les parties issues des émanations planétaires retournent au monde planétaire ; les parties provenant de l'atmosphère terrestre y retournent. De sorte que rien ne subsiste en tant que tout.

Si le second corps parvient à cristalliser chez un homme avant sa mort, il peut continuer à vivre après la mort du corps physique. La matière de ce corps astral correspond, par ses vibrations, à la matière des émanations du Soleil ; théoriquement, il est indestructible à l'intérieur des limites de la Terre et de son atmosphère. Cependant la durée de sa vie peut varier. Il peut vivre longtemps ou son existence peut prendre fin très vite. Le fait est que le second corps, comme le premier, a des centres ; comme le premier, il vit et se nourrit d'impressions ; et comme un nouveau-né manquant d'expérience et de matériel d'impressions, il a besoin de recevoir une certaine éducation. Autrement il est à l'abandon, incapable d'exister indépendamment, et, comme le corps physique, ne tarde pas à se désagréger.

Tout ce qui existe est soumis à la même loi « ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ».
Ce qui peut exister dans un certain ensemble de conditions ne peut pas exister dans d'autres conditions. Si le corps astral rencontre une matière de vibrations plus fines, il se désagrège.

C'est pourquoi, à la question : « L'âme est-elle immortelle ? », on ne peut que répondre: « Oui et non. » Pour répondre de façon plus précise, il faut savoir de quelle sorte d'âme il s'agit et de quelle sorte d'immortalité.
Comme je l'ai dit, le second corps de l'homme est l'âme par rapport au corps physique. Bien qu'il soit lui aussi divisé en trois principes, pris comme un tout il représente la force active, le principe positif, par rapport au principe passif, négatif, qu'est le corps physique. Le principe neutralisant apparaît ,tetre eux comme un magnétisme spécial, que tout le monde ne possède pas, mais sans lequel il est impossible pour le second corps d'être maître du premier.

Un développement ultérieur est possible. Un homme ayant deux corps peut acquérir de nouvelles propriétés par la cristallisation de nouvelles substances. Un troisième corps se forme alors à l'intérieur du second; il est appelé parfois le « corps mental ». Le troisième corps deviendra le principe actif ; le second corps, le principe neutralisant, et le premier corps - le corps physique - le principe passif.

Mais ce n'est pas encore l'âme au sens réel du mot. A la mort du corps physique, le corps astral peut à son tour mourir et le corps mental rester seul. Mais, bien que dans certaines conditions il soit immortel, lui aussi, tôt ou tard, peut mourir.

Seul le quatrième corps marque l'accomplissement du développement possible pour l'homme dans les conditions terrestres de son existence. Il est immortel dans les limites du système solaire. La vraie volonté appartient à ce corps. Il est le « moi » réel ; l'âme de l'homme, le maître. Il est le principe actif par rapport aux autres corps pris ensemble.

Tout en s'interpénétrant, les quatre corps sont distincts les uns des autres. Après la mort du corps physique, les corps supérieurs peuvent se séparer.

La réincarnation est un phénomène très rare.
Elle est possible soit au terme d'une très longue période de temps, soit dans l'éventualité de l'existence d'un homme au corps physique en tout point identique à celui de l'homme qui possédait les corps supérieurs. De plus, le corps astral ne peut se réincarner que par la rencontre accidentelle d'un tel corps physique, ce qui ne peut se produire qu'inconsciemment. Tandis que le corps mental est déjà capable de choisir.

 

Il y a deux sortes d'amour

Le Prieuré, 24 mai 1923

p311
Il y a deux sortes d'amour. L'un est un amour d'esclave ; l'autre doit être acquis par le travail. Le premier n'a aucune valeur; seul le second, l'amour qui est le fruit d'un travail, a de la valeur. C'est l'amour dont parlent toutes les religions.

Si vous aimez quand « ça » aime, cela ne dépend pas de vous, et il n'y a aucun mérite à cela. C'est ce que nous appelons un amour d'esclave. Vous aimez même quand vous ne devriez pas aimer. Les circonstances vous font aimer, mécaniquement.

Le véritable amour est l'amour chrétien, religieux ; personne n'est né avec cet amour. Pour connaître cet amour, vous devez travailler. Certains savent cela depuis l'enfance, d'autres ne le comprennent qu'à un âge avancé. Si quelqu'un connaît l'amour véritable, c'est qu'il l'a acquis au cours de sa vie. Mais il est très difficile de l'apprendre. Et il est impossible de commencer à l'apprendre directement sur les gens. L'autre nous touche toujours à vif, nous met sur nos gardes et nous donne très peu de chances d'essayer.

L'amour peut être de différentes sortes. Pour comprendre de quelle sorte d'amour nous parlons, il est nécessaire de le définir.
En ce moment, nous parlons de l'amour pour la vie. Partout où il y a la vie, à commencer par les plantes, les animaux, en un mot partout où la vie existe, il y a l'amour. Chaque vie est une représentation de Dieu. Quiconque peut voir la représentation verra Celui qui est représenté. Chaque vie est sensible à l'amour. Même les choses inanimées comme les fleurs, qui n'ont pas de conscience, comprennent si vous les aimez ou non. Même la vie inconsciente réagit d'une manière différente envers chaque homme et fait écho à ses réactions.

Ce que vous semez, vous le récoltez ; et pas seulement en ce sens que si vous semez du blé vous aurez du blé. La question est comment vous semez.
Le blé peut littéralement tourner à la paille. Dans la même terre, différentes personnes peuvent semer les mêmes graines, et les résultats seront différents.
Mais ce ne sont là que des graines. L'homme est certainement plus sensible à ce qui est semé en lui. Les animaux aussi sont très sensibles, quoique moins que l'homme. Par exemple, X... avait été chargé du soin des animaux. Plusieurs sont tombés malades et sont morts, les poules pondaient de moins en moins, et ainsi de suite. Même une vache donnera moins de lait si vous ne l'aimez pas. La différence est tout à fait stupéfiante.

L'homme est plus sensible qu'une vache, mais inconsciemment. Et si vous éprouvez de l'antipathie ou de la haine envers une autre personne, c'est uniquement parce que quelqu'un a semé quelque chose de mauvais en vous. Celui qui désire apprendre à aimer son prochain doit commencer par essayer d'aimer les plantes et les animaux. Celui qui n'aime pas la vie n'aime pas Dieu. Commencer tout de suite par essayer d'aimer un homme est impossible, parce que cet homme est comme vous, et qu'en réponse il vous attaquera. Mais un animal est muet et il se résignera tristement. C'est pourquoi il est plus facile de s'exercer d'abord avec des animaux.

Il est très important pour un homme qui travaille sur lui-même de comprendre qu'un changement ne peut s'opérer en lui que s'il change d'attitude envers le monde extérieur. En général, vous ne savez pas ce qui doit être aimé et ce qui ne doit pas être aimé, parce que tout cela est relatif ; chez vous une seule et même chose va être aimée et pas aimée, alors qu'objectivement il y a des choses que nous devons aimer ou ne pas aimer. C'est pourquoi, pratiquement, il est préférable de cesser de penser à ce que vous voulez appeler « bon » et « mauvais », et de n'agir que lorsque vous aurez appris à choisir par vous-même.

Maintenant, si vous voulez travailler sur vous-même, vous devez développer en vous différentes sortes d'attitudes. Sans vous attaquer aux grandes choses qui sont indéniablement reconnues comme mauvaises, exercez-vous de cette façon : si vous aimez une rose, essayez de ne pas l'aimer ; et si vous ne l'aimez pas, essayez de l'aimer. Il est mieux de commencer avec le monde des plantes ; à partir de demain, essayez de regarder les plantes comme vous ne les avez encore jamais regardées. Chacun de nous est attiré par certaines plantes et non par d'autres. Peut-être n'avons-nous pas encore remarqué cela. D'abord vous devez regarder la plante, puis en mettre une autre à sa place, observer et tâcher de comprendre pourquoi cette attirance ou cette aversion est là. Je suis sûr que chacun éprouve ou ressent quelque chose. C'est un processus qui prend place dans le subconscient, et le mental ne le voit pas ; mais si vous commencez à regarder consciemment, vous verrez beaucoup de choses, vous découvrirez beaucoup d' « Amériques ». Les plantes, comme les hommes, ont des relations entre elles, et il existe aussi des relations entre les plantes et les hommes, mais elles changent de temps en temps.
Toutes les choses vivantes sont liées les unes aux autres. Cela s'applique à tout ce qui vit. Les choses dépendent toutes les unes des autres.

Les plantes agissent sur les humeurs de l'homme et l'humeur de l'homme agit sur l'humeur de la plante. Pendant toute notre vie nous en ferons l'expérience. Même des fleurs en pot vivront ou mourront en fonction de nos humeurs.

 

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