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Jean Louis Bernard

La science occulte égyptienne

La première porte
L'HOMME OCCULTE

Sekhem Kaï, le scribe accroupi

Mereroui Kaï

Les mystères d'Abydos

De la danse à l'errance au sein du labyrinthe

L'École de Naples

Le ka et le corps astral

Shout, l'ombre

Khaïbit, la fée organique

 

 

 

La première porte
L'HOMME OCCULTE



Sekhem Kaï, le scribe accroupi

Des millions de visiteurs ont tourné autour de lui, au musée du Louvre, après l'avoir fixé dans les yeux. Tous le reconnaissaient pour l'avoir vu dans leur manuel de lycée. Le scribe accroupi... Beaucoup projetèrent sur le personnage ce respect inné que tout Occidental ressent vis-à-vis de l'ancienne Égypte. Certains communièrent cœur à cœur avec lui. Mais combien surent saisir télépathiquement son message ou se poser au moins à son sujet les vraies questions? Lesquels savaient son nom? Si, ce nom, ils l'avaient connu et, surtout, interprété, leur idée à propos du scribe aurait immédiatement basculé, en même temps que leur vision scolaire de l'Égypte.

Dans l'explication populaire, le scribe accroupi n'est que le subalterne qui, attentif, le calame à la main (ce calame a disparu), le rouleau de papyrus sur les genoux, attend la dictée du maître. Dans son apparence, il incarne certes l'archétype du scribe d'État, maître de l'écriture et du calcul, qui régna à tous les échelons du corps social. Toutefois, nous dit l'égyptologue belge Jean Capart, il était prince, gouverneur de province. Il se rattachait donc à cette aristocratie égyptienne qui - les Coptes l'affirment encore, sur la foi de la tradition descendit des monts de la Lune (les monts Rouwenzori ou Kenya), à l'aube de l'histoire, en tant que race de montagnards guerriers, à peau brune. Ces ethnies extérieures suivirent le cours du Nil, en partant de ses sources, et dominèrent peu à peu, tantôt par la guerre, tantôt par la diplomatie, des ethnies locales, celles-ci de souche berbère, à peau blanche. Jusque vers l'époque grecque, l'ethnie guerrière forma la caste dirigeante, et le rédacteur biblique l'appellera très justement " Éthiopie, rempart de l'Egypte ", allusion à son teint cuivré et à son origine. Pour les Anciens, l'Éthiopie, contrée floue, englobait toutes les montagnes du sud-est de l'Égypte.

Le personnage ne saurait donc plus s'identifier au simple fonctionnaire, scribe d'État. C'est vers la fin de 1850 que le grand Mariette retrouva la tombe du prince, parmi d'autres tombes de nobles de l'Ancien Empire, dans le site de Sakkara. II y recherchait le Serapeum, la vaste nécropole des taureaux sacrés, momifiés. Et la tombe restitua la statue du scribe accroupi.

A défaut d'avoir été scribe au sens courant du terme, l'homme aura peut-être rempli des fonctions plus hautes, liées aussi à l'écriture. Celle par exemple de philosophe d'État, rédacteur de préceptes pour les écoliers, ou même de recettes de médecine et de magie comme l'architecte Imhotep (représenté comme lui en scribe accroupi), comme Kagemni, Ptahhotep et Amenhotep fils de Hapou... Ou celle de prophète comme ce Neferrohou qui prédit à Snéfrou la Grande Révolution, un demi-millénaire à l'avance, avec l'anéantissement de l'Ancien Empire de la Memphis des pyramides et la venue par le Sud d'un pharaon sauveur qui rétablirait le génie ancestral et l'ordre traditionnel. Si le Nord et l'étoile polaire symbolisaient la résidence des dieux, le Sud symbolisait la terre des ancêtres, terre des sources!

Le scribe du musée du Louvre se nommait Sekhem Kaï. Un nom ou un surnom mystique? II signifie " Puissant est mon ka! " Or ce nom éclaire tout autrement l'attitude pensive du personnage. La voix qu'il s'apprête à entendre, si elle n'est pas celle d'un maître temporel et non plus celle de Dieu, sera la voix de son ka. Qu'est-ce à dire?

Cette notion insolite constitue la première porte de l'Égypte secrète et de l'homme secret, compris à l'égyptienne. Négliger délibérément la notion de ka, reviendra à amputer la civilisation égyptienne de son aspect intérieur. Nous avons mis quelque vingt ans à en découvrir l'arcane, lisant toutes les définitions des égyptologues, tant classiques que symbolistes. Aucune n'était satisfaisante. Nous avons interrogé d'autres chercheurs - psychologues, théologiens, ésotéristes et occultistes. Nous pressentions que cette première porte ouvrirait aussi une porte vers notre être intérieur et que nous cesserions alors de tourner autour de nous-même.

Dans la civilisation égyptienne, mère spirituelle de la nôtre, tout gravite autour du ka. Mourir, se dit " passer à son ka ". La momification se répercutera sur le ka et empêchera celui-ci de se dissoudre dans l'au-delà. Il est donc mortel? Le pharaon régnera encore, après décès et par son ka, sur une Égypte parallèle, entouré des kaou (pluriel de ka) de ses courtisans, momifiés et ensevelis près de sa pyramide. Le temple est habité par un ka divin qui y assure la présence réelle de tel dieu ou de telle déesse. Le mystique privilégié le décèle à son parfum... Curieusement, dans les tombeaux, on voit sur les peintures le ka du mort, se nourrissant par le nez de parfums et des quintessences du vin ou d'aliments divers; un cérémonial brûlera ces aliments, justement pour en dégager la quintessence! Parfois, dans le temple, le ka divin apparaît en spectre. Certains prêtres savent évoquer ce ka par une modulation confinant à l'infra ou ultra son. Évoquer signifie appeler par le charme de la voix. C'est à la voix que le " prince charmant " fait sortir Blanche-Neige du coma... Le célèbre temple de Ptah à Memphis se nommait Het-ka-Ptah : la demeure du ka du dieu Ptah. Mais l'architecture n'est pas seule à se régler sur la notion de ka. La statuaire ne s'intéressa jamais à l'aspect réaliste de ses modèles, sauf durant la brève époque d'Akhenaton. Elle sculptait et peignait leur ka; d'où l'idéalisation et la hiératisation des personnages. Même observation pour les portraits sur sarcophages qui devront exprimer le rayonnement du ka.

Le ka est-il l'âme, au sens monothéiste? Non. Celle ci correspond communément au ba ou âme-oiseau figurée en oiseau à tête humaine. Le ba, à la mort, s'envole comme l'oiseau. Le ka, lui, flottera comme un spectre, sans quitter l'orbe terrestre. Et quelle est la nuance qui sépare le ka humain du ka divin? Une nuance, en effet, simplement. Le nether (dieu) désigne souvent un héros des temps primordiaux qui incarna en Christ une énergie divine. Nether signifie donc aussi ancêtre-dieu. Et le terme double Christos et Chrestos semble bien provenir de l'égyptien Khery-secheta, écrit parfois Kher-secheta, qui veut dire: " celui qui est au-dessus du secret ". Le ka divin sera donc le spectre d'un nether jadis momifié comme Osiris et Ptah et, pour cela, non décomposé. Il habitera le temple et y sera entretenu par un cérémonial dans lequel les fumigations et les offrandes de boissons et d'aliments joueront un rôle primordial, ainsi que le sang des animaux sacrifiés. Un prêtre ouab, c'est-à-dire pur, se chargera de humer le sang au préalable afin de vérifier sa pureté. Mais la momie, support du ka divin, pourra être remplacée par une statuette secrète du culte, dissimulée dans le saint des saints, jamais montrée et jamais dessinée. Un mystère pèsera sur elle parce qu'on la considérera en statue vivante - puisque habitée par un ka! Et l'étrange cérémonial qui l'enveloppera comme une toile d'araignée existe encore en Inde, surtout dans le culte de Shiva. Nous le décrirons par la suite.

Sekhem Kaï, puissant est mon ka! L'expression, le chrétien la traduirait par : puissant est mon ange gardien! Sur celui-ci l'agonisant opérera le transfert de son angoisse. Entre la notion égyptienne de ka et la notion chrétienne d'ange gardien, existe un rapport, une continuité. Mais un Allemand connaissant encore la tradition populaire de son pays, traduirait autrement: "Mächtig ist mein Doppelgänger!" Ce qui équivaut à : puissant est mon double. Le terme allemand, plus précis, contient deux vocables - doppel, double, Gänger, celui qui marche. Dans cette optique, l'ange gardien serait un double du moi, donc une entité subjective, évoluant sur un plan parallèle, entre l'âme proprement dite et le moi. Un autre moi, un moi des profondeurs...

Certaines écoles occultistes connaissent ce " moi des profondeurs " vers lequel convergent les efforts de celui qui se cultive psychiquement et spirituellement. Des maîtres du yoga hindou aussi, mais pas tous! Si Freud l'a ignoré, son disciple Jung l'a décelé. Toutefois, Jung n'y voit guère qu'une construction psychique, sorte de contre-poids du moi qui fixerait ainsi en entité artificielle sa tendance à l'idéal. Aux yeux des Égyptiens, c'était le moi qui était artificiel, plus ou moins, car tributaire de l'hérédité, de l'éducation et de l'environnement. Et la personnalité authentique se confondait avec le seul ka, conditionné, lui, par le cosmos et les influences stellaires. Dans le sommeil très profond, la dualité moi-ka s'efface, le premier se fondant dans le second. Et à la mort aussi.

Si le ka apparaît comme un niveau d'existence, parallèle au moi, qui ne se rejoint que dans les états de sommeil profond, dans la mort et dans l'initiation, image de la mort, il doit, comme le moi, correspondre à un ordre particulier d'énergie. L'écriture égyptienne le définit nettement à ce propos. En idéogramme, le ka est figuré en silhouette spectrale, mains levées. En un hiéroglyphe qui se lit ka, le seul signe des bras aux avant bras et aux mains levées l'exprime avec le même sens : les mains levées miment la passe magnétique; c'est par les mains que se capte et se distribue le magnétisme humain.

En fonction de ces indices, la théorie égyptienne du ka contiendra une vision statique de ce ka et une vision dynamique. Il s'agit d'un double du moi, d'un moi des profondeurs, d'une supra-conscience; et ce moi parallèle s'enrobera d'une aura de nature magnétique. Sekhem Kaï se traduira dès lors : "puissant est mon magnétisme! " L'aura magnétique, l'occultisme la nomme corps astral, le terme " corps " étant abusif. Quant à celui d'" astral ", il demeure flou. Pour les anciens Grecs, l'astral désignait l'essence énergétique de l'univers, au sein de laquelle " fleurissent " astres et planètes. Pour les hermétistes et occultistes (ces deux écoles se recoupent), l'astral est un état très subtil de l'énergie, plus subtil que l'aither, celui-ci armature de la nature densifiée. Ces deux ordres d'énergie (astral et aither) exigent d'être définis au mieux possible parce que, par rapport au psychisme humain, il y a interférence.

L'aither, terme grec aussi, possède son équivalence en toutes les grandes traditions. Chez les Sumériens, il s'agissait de l'apsou, un fluide au sein duquel flotte le globe et dont il est le support. Passée dans la Bible, la notion deviendra celle des " eaux primordiales " qui n'ont rien à voir avec la mer. Un fluide subtil, réservoir de la matière non encore différenciée - et cette définition provient de la physique d'avant-garde. Chez les Égyptiens, le même fluide qui différencie la matière tout en étant déjà la matière elle-même, se nommait Shou, le dieu Shou. Nous serons confrontés à cet arcane quand nous atteindrons la porte de l'alchimie égyptienne. Les Hindous disent akasha. Et les druides disaient nwywre. Ces derniers faisaient de la nwywre le domaine des fées, celles-ci comprises comme les arcanes des multiples floraisons. De ce terme provient le nom de Viviane, une femme-fée de Bretagne. L'alchimie médiévale et antique faisait de l'aither la quintessence de la matière, c'est-à-dire son cinquième élément après la terre, l'eau, l'air et le feu (quint, cinquième) et en même temps son essence, soit son origine et sa fin (après désintégration). L'alchimie chinoise donne à la matière cinq éléments, compris de même. Elle intègre donc la quintessence à la matière directe. Par prudence: afin d'éviter au sage de confondre " esprit de la matière " (la quintessence) avec l'Esprit...

Mais l'astral? Quel rapport avec le magnétisme terrestre? Avant de résoudre cet apparent dualisme qui oppose une notion d'occultisme à une notion de physique, examinons le nom d'un autre aristocrate égyptien, contemporain à peu près de Sekhem Kaï, et qui se réfère aussi à son ka.

 

Mereroui Kaï

Son mastaba a été creusé et bâti à Sakkara, dans le site de la pyramide du pharaon Téti, fondateur de la VIe dynastie, dont Mereroui Kaï était un courtisan. Le ka du pharaon, nous l'avons dit, régnera encore, par delà la mort à la terre, sur une Égypte astrale (l'expression est de l'occultiste Papus) et sur une cour de kaou, ceux des gens de sa maison. De surcroît, Mereroui Kaï avait été prêtre du ka royal, donc chargé d'un cérémonial qui concernait la pyramide du roi (son tombeau) et le temple funéraire adjacent. Magie singulière! Le prêtre du ka entretenait la survie du ka royal ou de quelque autre personnage par un rituel périodique, chanté et mimé, et par l'offrande de fumigations, de vin, de bière (qui évaporeraient leur quintessence) et d'aliments qu'il brûlait selon des règles strictes.

Quant au mastaba, nous avons évoqué en nos autres livres sur l'Égypte, sa signification insolite. Revenons-y, afin de compléter le dossier du ka et de mieux cerner son énigme. Un mastaba est une villa sur caveau. Et Sakkara, cité des morts correspondant à Memphis et gardée par Sokar, un autre Osiris, groupait des mastabas nombreux, autour d'un jeu de rues, certains de ces mastabas enterrés par le temps. Durant la construction, on plaçait le lourd sarcophage de pierre dans le caveau. Déblayé en 1893 par l'égyptologue J. de Morgan, le mastaba de Mereroui Kaï apparaît comme le plus complexe des mastabas. Il comporte quelque trente-deux chambres, partagées entre le maître, sa femme et son fils, le maître s'étant réservé les deux tiers de l'appartement...

En général, la momie était descendue au caveau après la cérémonie de funérailles, par un puits que l'on bouchait. La cérémonie, sans équivalent dans nos rites funéraires, se nommait " ouverture de la bouche ". Dressée devant un cône d'encens fumant, face au prêtre du ka, la momie allait subir une métamorphose intérieure comme la chrysalide. Le moi, désormais fondu dans le ka, aurait terminé son errance. On sait par le témoignage de gens ayant traversé le coma, qu'une certaine angoisse suit la sortie du corps. Elle cesse ou s'estompe, dès que le moi se trouve confronté avec une silhouette translucide que l'ignorant prendra pour le Christ ou pour un ange. En fait, il s'agira de son ka. S'il y a mort irréversible, le ka absorbera le moi. Et, quand le prêtre du ka captera par ultra ou infra son la voix du mort lui disant " je suis vivant ", cela signifiera que la fusion moi-ka est réalisée. Il s'agira maintenant de libérer le ka de l'engourdissement que la momification a réfléchi sur lui par le phénomène magique de la répercussion. D'où le cône d'encens dont le parfum le nourrira, et d'où les offrandes de boissons et d'aliments. D'où encore ces sauts nemyou, sauts d'acrobates, exécutés par des danseurs spécialisés... Toujours en vertu du phénomène de la répercussion, ces sauts doivent rendre au ka la pleine souplesse de ses membres. Ils sont d'une totale complexité, au point que Geneviève et Babacar Khane y ont vu un yoga égyptien du type hatha yoga. Cette gymnastique de cirque comporte la marche rythmique, le tronc en torsion, les bras en chandelle, le renversement vers l'arrière, en pont, de la silhouette, bras au sol, le pont en marche ou en roue tournante et le mouvement inverse vers l'avant, la posture du scorpion, bras au sol et jambes relevées en queue de scorpion... La thèse d'un yoga égyptien peut être soutenue, mais à condition de séparer les sauts nemyou de leur contexte de magie du ka. Ce que font ces auteurs. Le hatha yoga aboutit à une totale maîtrise du corps, donc à un renforcement du moi par la volonté. Ceci n'est pas égyptien puisque c'est sur le ka exclusivement que toute démarche d'ordre mystique prendra appui. Il conviendra donc de faire en sorte que le moi perde au contraire toute initiative et s'efface. Il n'en est pas moins vrai que la danse acrobatique pourra projeter-le moi hors de son contexte et l'immerger dans le ka comme cela se produit dans le cas des derviches tourneurs. S'il y eut un yoga égyptien, il ne pourra se définir qu'en fonction du ka - par la danse ou son contraire : l'immobilité totale sans gymnastique, avec l'arrêt de la pensée, celle-ci armature du moi. Cette dernière technique, les Grecs la surnommaient le silence égyptien.

Si nous ramenons les sauts nemyou dans leur contexte de magie du ka, nous en conclurons que le " corps astral " épouse étroitement le corps physique. Il a bras et jambes. Du reste, c'est bien par les mains que le ka, à travers le corps, distribue son magnétisme. Sinon, comment justifier les sauts nemyou d'une part, et d'autre part l'étrange texte rituel que va réciter le prêtre du ka? " Il te sera donné tes deux yeux pour voir, tes deux oreilles pour entendre ce qui est dit, ta bouche pour les paroles. Tes deux pieds pour marcher, marcheront. Tu feras tourner tes deux bras et tes deux épaules... " Cette résurrection ne peut se concevoir que sur un plan parallèle, proche du plan matériel. Elle ne concernera donc que le corps d'aither, armature subtile du corps dense, ou le corps astral. Mais le corps d'aither, solidaire du corps dense, strictement, ne se réanimera pas; il restera à sa façon momie. Certains occultistes ont vu dans ce rituel une preuve de la croyance des Égyptiens à la réincarnation, en l'interprétant littéralement. Ce faisant ils ont généralisé ou démocratisé un processus qui ne concernait que les nétherou et les grands initiés. Avant le monothéisme et ses religions populaires, la civilisation (même préhistorique) ne concevait ni réincarnation ni survie. Après la mort, l'individu survivait un certain temps sur le plan du ka puis s'éteignait en restituant son dynamisme au dynamisme universel. Seul le héros, porteur du principe de la civilisation, était susceptible de se réincarner parce que missionné. La Bible elle-même parle du retour d'Élie! Nous laissions entendre en nos autres ouvrages que le héros dont le type égyptien est Horus (même étymologie) réincorporerait tous les éléments psychiques de la momie ancestrale et que, pour cette raison, celle-ci avait été traitée selon des recettes secrètes, reçues par révélation divine. L'ancien être se réanimerait alors, même corporellement, sur le nouveau, lui transmettant lé souvenir du passé lointain, des sciences perdues - en un mot, de la tradition. Entre la momie de l'homme quelconque et celle du nether, il y a une différence: la seconde dégage une aura de nature supra-humaine. N'est-ce pas encore le cas des momies spontanées de saints? Pour l'homme quelconque, la momie n'a qu'une fonction presque terre à terre: prolonger indéfiniment, par répercussion, la survie sur le plan du ka en empêchant la décomposition de ce corps astral. Mais l'esprit finira tout de même par lâcher le ka qui, alors, deviendra coque vide...

Sous le mastaba, dans le caveau et dans la momie, le ka du défunt dormira. Mais il se réveillera de temps en temps à sa façon et, en apesanteur, montera du caveau à travers le puits bouché. Pas d'obstacle pour lui... Sur son plan surréel, le puits continue d'être un puits. Magie! Il pénétrera dans le mastaba par une fausse porte, soit un tracé de porte. Les gens devenus occultistes à la suite de l'expérience accidentelle du dédoublement, comprendront parfaitement cette magie naturelle. Le dédoublement, c'est la sortie du corps. Celui-ci, plongé dans un sommeil cataleptique, exhale tout son magnétisme et le moi suit le mouvement. Fondu dans le double, il se regarde endormi... En cet état, il traverse les murs qui lui opposent néanmoins quelque résistance, mais passe sans effort les portes, même fermées. Après la fausse porte, le ka se retrouve debout sur une table d'offrandes. Il vient en effet pour se nourrir. Dans un tombeau du site de Guizèh, le ka du mort est représenté en statue émergeant à demi du puits comblé. Et, dans le tombeau de Ptah-hotep (Sakkara), un bas-relief montre le ka du défunt assis devant une table d'offrandes. Il élève à hauteur du visage un gobelet qu'il hume. S'il s'agissait de l'acte physique de boire, le vin ou la bière coulerait sur ses genoux! Le ka peut aussi entrer dans le serdab, petite pièce fermée, à l'exception d'un ou deux trous pour les yeux des visiteurs. Il s'y trouve une statue assise, à son image, qui lui servira de corps de substitution. Quand la famille viendra déjeuner en sa compagnie, le Jour des Morts, ou quand le prêtre du ka célébrera là son office, périodique, il participera à l'une ou à l'autre cérémonie. Si la famille oublie de renouveler les provisions, le ka se projettera dans le rêve d'un parent pour le rappeler à l'ordre.

A l'intérieur du mastaba, des peintures et bas-reliefs retracent avec minutie la vie quotidienne du défunt. C'est un aide-mémoire. On l'y voit au milieu des siens (lui, tracé en plus grand),, de ses champs, de son atelier ou de son office (s il était scribe), à la chasse sur le fleuve ou dans les marais... L'Égypte astrale des kaou étant identique à l'Égypte terrestre, quoique féerique, cet aide-mémoire sera en plus le support de sa vision. Il arrive que la nomenclature de ses biens soit gravée sur un mur afin qu'il en conserve la contrepartie surréelle. Des oushebtis, petites statuettes de travailleurs agricoles, emplissent un coffret. Un formulaire peint sur elles les a rendues vivantes: dans le rêve du ka, elles s'animeront en paysans. Il s'y ajoute parfois de bizarres jouets: une ferme d'enfant, une servante brassant la bière, un bateau de plaisance avec équipage et cabine de maître ou, si le mort fut militaire, de petits soldats. Magie encore. Dans le tombeau de Toutankhamon les oushebtis figuraient de véritables " répondants " puisque tous représentent le roi lui-même, avec chaque fois d'autres attributs royaux. Au musée Guimet de Lyon, une statuette de bois, autre variété d'oushebtis, est percée de trous comme une poupée d'envoûtement. Elle était l'image d'une concubine et, sans doute le mort avait-il pris la précaution de l'envoûter afin qu'elle ait un " veuvage " chaste, en attendant que son ka rejoigne au tombeau le ka de l'amant. L'érotisme existerait donc au niveau du ka! Il arrive que le visage du ka ait été effacé par un ouvrier de tombeau malveillant. Le cas, à l'ouest de Thèbes pour un juge. Vengeance! Effacer son identité, c'est le chasser de son paradis para terrestre...

Ce paradis relatif est naturel, même si les civilisations à momies l'ont quelque peu forcé par l'artifice pour l'intensifier et le prolonger. On suppose qu'au niveau du ka tout être épuise les désirs que son destin a contrariés, et revoit l'image des êtres chers - images qu'il prend pour ces êtres eux-mêmes. Le ka se dissout ensuite, sauf en cas de momification, et l'être plonge dans l'abstraction. Le ka de momie, nous l'avons dit, finit d'ailleurs par être abandonné par l'Esprit car on n'échappe pas à la seconde mort. Alors, il tournera en entité vide, en fantôme, plus ou moins amnésique. Il obsédera ceux qui conservent son souvenir pour tirer de leur psychisme une drogue qui remplacera les fumigations. Comment rêver sans drogue?

Mereroui Kaï signifie: " mon ka m'aime ". Cette autre notion, sentimentale, relative au ka, heurtera encore davantage la mentalité moderne qui en minimisera la portée par une traduction approximative: mon ange gardien m'aime, mon génie protecteur m'aime. On n'osera traduire : mon moi des profondeurs m'aime. Pourtant, l'origine de ces maladies de l'affectif que traite le psychologue, réside souvent dans un conflit avec soi-même. " Je suis heureux quand mon ka est avec moi ", dit un texte égyptien. Ce qui revient à supposer que le mouvement centrifuge de la vie et les multiples sollicitations extérieures éloignent le moi du centre de son être. Et, d'abord, de son être para-terrestre, le ka. Pourtant, s'il ne parvient à le ressentir médiumniquement par lui-même, il en recherchera la présence intérieure par un jeu de miroirs, à travers la médiumnité d'un être qui l'apaise ou l'exalte et, en tout cas, lui donne la joie. En fait, c'est son ka qui se projettera, soit sur l'amant ou l'amante, soit sur le maître spirituel, - le gourou.

Selon la théorie que l'Égypte exprima par l'image et la formule imagée, le ka se définira maintenant comme une entité personnelle (quoique inconsciente) doublant le moi, de rayonnement magnétique et de nature affective. Mortel, le ka se distingue de l'âme dont il est cependant la clef. L'affectif propre au ka est affiné, idéalisé en quintessence. L'érotisme existe aussi à ce niveau, mais compris de même comme une quintessence - quintessence de la sexualité. Dans la chronique de Satni-Khamouast qui relate les aventures initiatiques de ce dernier, futur magicien et futur grand-prêtre de Ptah, dieu de la magie, le héros se trouve confronté à un spectre de momie qui se matérialise à demi jusqu'à faire illusion 6. II s'agit évidemment d'un ancien magicien qui, par-delà la mort, sur le plan du ka, détient encore des pouvoirs occultes. Pourquoi cette intervention? Le spectre veut se servir de Satni-Khamouast pour faire transporter dans son tombeau les momies de sa femme et de son fils. Le lien affectif subsiste. Plus précise quant à l'intention, la statuette percée du musée de Lyon, évoquée ci-dessus: elle attirera vers le tombeau le ka de l'ancienne maîtresse. Lien érotique.

Au Pérou, la momification gravitait comme en Égypte autour de l'arcane du ka. Cette analogie est particulièrement frappante chez les Mochicas de la côte. En position embryonnaire, " genoux aux dents ", les orifices naturels bouchés par des plaques de métal précieux, roulée dans un somptueux tissu, la momie ne se bornait pas à revêtir ses bijoux; elle s'entourait d'objets qui servaient au double spectral d'aide-mémoire. Des céramiques en petits personnages mimaient quoique figées, les actes de la vie quotidienne et, chez les Mochicas, les positions de l'amour. De petits sacs de voyage renfermaient des feuilles de coca - pour nourrir le rêve du ka! Et le droguer...

Pour donner une idée cohérente de ce que peut être l'érotisme au niveau du double en la dépouillant de toute fantasmagorie, imaginons des amoureux passionnés se téléphonant durant des heures pour ne rien dire. La distance les contraint à sublimer l'attraction érotique, latente derrière la banalité du dialogue. Tout passe dans la voix et dans une télépathie dont le téléphone est le support. Ils sont dans un état d'euphorie voluptueuse, quintessence de l'orgasme et orgasme étouffé. Au Moyen Age, les troubadours du Languedoc cultivaient sciemment l'art de courtiser la femme sans le sexe, donc au niveau du double. Pour ne pas être tentés d'aller jusqu'au bout des choses, ils élisaient une dame, c'est-à-dire une femme d'un milieu supérieur au leur, souvent mariée. De fil en aiguille (le fil n'entrant jamais dans le chas de l'aiguille), le couple finissait par tout s'autoriser, sauf l'essentiel. L'échange érotique s'opérait par les yeux, la voix et les mains. La main, agent de la caresse, l'est aussi du magnétisme. Il y avait donc échange aussi sur ce plan-là. Par ailleurs, l'absence de contact sexuel intériorisait l'énergie que les mains canaliseraient. S'il y avait eu pénétration et si l'orgasme avait fait éclater l'énergie, toute sublimation serait devenue impossible, évidemment.

 

Les mystères d'Abydos

L'analyse commentée de Sekhem Kaï et de Mereroui Kaï; deux noms égyptiens se référant au ka, nous a amené à examiner sous un éclairage neuf la notion occultiste de corps astral.

Mais que signifie occultisme? Il s'agit d'une science de l'homme secret (son inconscient, ses énergies non contrôlées par le moi) et de la nature secrète. Il ne s'agit nullement d'une science tenue secrète, et l'occultisme ne s'est réfugié dans une marginalité voulue qu'aux époques où l'idéologie au pouvoir, religieuse ou politique, persécutait la libre recherche. Comme la science officielle, l'occultisme reste inséparable de l'expérimentation. Sans celle-ci, il se réduira à une philosophie basée sur des postulats. A la différence de la science, toutefois, l'occultiste n'a pas de laboratoire; il expérimente sur lui-même ou tire ses conclusions de l'observation d'un médium, son complément, de sexe opposé généralement. Les plus doués (ou prédestinés) ne provoquent jamais l'expérimentation; elle se déclenche sur l'initiative de leur ka, le plus souvent en cours de sommeil. On naît doué pour l'occultisme comme d'autres naissent doués pour la musique. Le chercheur empirique provoque, lui, l'expérimentation en la basant par conséquent sur son moi. Il s'agira alors soit d'hypnotisme ou de magnétisme (termes de sens voisin), par rapport à un sujet (à mettre en transe), soit d'auto hypnotisme si l'occultiste veut provoquer sur lui-même l'état de transe. Ce dernier terme signifie en latin " passage ". La transe met en mouvement une énergie, sorte de vapeur, qui s'élèvera de bas en haut, du bas-ventre vers la gorge puis la tête, engourdissant le moi qui perdra conscience comme cela se produit au moment du sommeil, partiellement au moins. Le ka l'absorbera temporairement. En cet état, le sujet reprend conscience, corps endormi, sur le plan paranormal de la conscience du ka, celui-ci demeurant dans le corps.

Avant d'ouvrir l'insolite dossier de l'expérimentation, demandons-nous si l'occultisme était vraiment pratiqué en Égypte, tel qu'il l'est en Occident au sein de clubs privés. En question complémentaire : l'occultisme dérive-t-il de l'Égypte? Maspero est affirmatif quant à la première question. Les bas-reliefs et peintures de tombes et de temples montrent que des prêtres pratiquaient la passe magnétique, c'est-à-dire le mouvement des mains le long du corps d'un personnage vivant (ou d'une momie). Ce mouvement peut provoquer la léthargie et une sortie partielle ou totale du double (ka), dite dédoublement. Ils pratiquaient aussi l'imposition des mains, afin de transmettre des énergies ou, inversement, d'absorber des énergies perverses (cette expression appartient à l'acupuncture), cause de maladie. Dans le célèbre Livre des Morts que l'on glissait dans le sarcophage en tant que guide de l'au-delà et que formulaire d'exorcismes (pour dissoudre les démons), il y a des textes qui concernent les initiés, non les morts. Celui-ci, par exemple : "prières pour aller et revenir". En d'autres termes: prières pour sortir sans danger du corps, au sein de son ka, et y rentrer. Comme nous le faisait observer le Père Biondi, égyptologue et parapsychologue, des écrivains ésotéristes ont donné de ce texte une fausse traduction. Ils y ont vu une allusion à la réincarnation, lisant : prières pour se désincarner et se réincarner. Ce souci-là est hindou, non égyptien. Sachant que la vraie vie spirituelle se place au niveau du ka, les initiés des temples du Nil s'efforçaient de transférer leur conscience jusqu'à ce plan para terrestre. Il semble que l'ethnie égyptienne ait joui d'une sorte de don pour le dédoublement. Des hommes et des femmes, au lieu de sombrer dans un rêve fœtal, reprenaient conscience, corps en léthargie, et participaient à l'existence parallèle de leur ka. Ce qui arriva à deux pharaons de l'Ancien Empire, tous deux constructeurs de pyramide, Mykérinos et Djedefré (dont la pyramide fut arasée dès sa mort). Leur don de visionnaires nocturnes les transportait malgré eux dans le monde surréel où s'activent les kaou des vivants et des morts. S'en inspirant, ils rédigèrent chacun un chapitre du Livre des Morts.

A défaut de don ou d'une ascèse développant ce don de transposition de la conscience du moi au ka, existait pour une élite un rituel qui devenait efficace en un lieu déterminé, avec le même objectif. Le lieu était la crypte d'un temple, en particulier celle de l'Osiréion, le tombeau présumé d'Osiris, en Abydos. Il existait d'autres cryptes à mystères, à Busiris notamment une très vieille cité au cœur du Delta (en égyptien, Per Ousir, la demeure d'Orisis). Le terme " mystères " est à rapprocher de notre terme médiéval " mistères " car le sens du second dérive de celui du premier. Une même tradition se perpétuait. Ces " mistères " étaient d'ordre théâtral. Aux approches de Pâques, des acteurs mimaient la dramaturgie du Golgotha, devant la cathédrale et devant la foule. Cette tradition, curieusement, fut reprise en Allemagne peu après qu'elle fut tombée en désuétude, - en 1634, à la suite d'un vœu collectif (pendant une épidémie de peste). Tous les dix ans, à Oberammergau, bourgade de Haute-Bavière, des villageois jouent la Passion après s'être individuellement préparés à leur rôle, des mois ou des années durant : un yoga théâtral, comparable au nô japonais!

En Égypte, les mystères théâtraux célébrés à époques fixes, n'avaient rien de public. Ils se déroulaient dans le secret du temple avec pour seul public les acteurs. II s'agissait donc exclusivement d'un rite, tout à fait comparable aux " mystères " de la Franc-Maçonnerie : on y mime en loge fermée la dramaturgie de Hiram, assassiné (selon une légende rapportée par Gérard de Nerval) par des compagnons infidèles'. Hiram, un Phénicien, avait fondu pour le temple de Salomon la fameuse mer d'airain qui servait aux ablutions des prêtres. C'est une stèle de la XIIe dynastie qui nous éclaire quelque peu sur les mystères d'Osiris, en Abydos, ainsi qu'un papyrus, dit de Leiden. La stèle concerne Igher-Nefret qui fut le trésorier d'un pharaon Sésostris; elle relate la mission accomplie en Abydos par le personnage, pour le compte de son maître, le pharaon, qu'il remplaçait dans la dramaturgie théâtrale, jouant à sa place le rôle d'Horus, le sa-mer-ef (son fils bien-aimé, soit le fils d'Osiris). Tous les rôles étaient tenus par des gens de cour, chacun arborant le masque et les attributs en rapport avec un dieu ou une déesse. On mimait l'assassinat d'Osiris par Seth, la fuite du clan d'Osiris vaincu, en barque, fuite dite la "Grande Sortie", Anubis guidant la navigation. Hérodote qui rapporte par ouï-dire des cérémonies semblables, célébrées à Busiris, précise que les participants confectionnaient une momie de terre ou d'argile à laquelle on intégrait des grains de blé, symbole de vie latente et de renaissance. La fin de la dramaturgie se déroulait dans la " maison des orfèvres ", un secteur de la cité interdite d'Abydos. Symbolisme. En ressuscitant, non sur le plan corporel mais sur celui du Ka, Osiris retrouvait son aura d'or, solaire, l'aura des bienheureux, des justifiés. D'où cette maison des orfèvres et d'où le choix du trésorier du pharaon pour jouer le rôle d'Horus, en lequel revit justement cette aura d'or d'Osiris. Igher-Nefret avait pour titre précis " chef de la Double Maison de l'Or et de l'Argent " (le Trésor public). En fait, le titre était de valeur initiatique et se rapprochait plutôt, quant au sens, de l'un des titres du pharaon : Horus d'or. Titre de portée alchimique, non financière. Nous verrons au chapitre de l'alchimie, comprise à l'égyptienne, que le Grand ouvre s'achève par la phase de l'or. Ayant alors réalisé son union intérieure avec sa secrète féminité (l'anima de Jung), rendue transcendante ou divinisée, l'alchimiste est à même de capter par le centre psycho-biologique de la gorge (chakra et glande endocrine locale), une énergie d'origine solaire, dite or potable. Il la ressent comme un goût métallique au fond de la gorge et sur la langue. Et cette énergie l'aidera à se régénérer. D'autres énergies cosmiques peuvent être organiquement captées dont le rayon vert ou lion vert de l'alchimie, en rapport avec le Sphinx et le signe astrologique du Lion, compris jadis comme le cœur du Zodiaque. La quintessence des énergies zodiacales se réfléchit en ce point central, - supposait-on! Et les Égyptiens voyaient une analogie entre les constellations et les organes du corps, le cœur captant plus ou moins l'énergie du " cœur du ciel " pour dynamiser à la fois la vitalité sanguine et érotique. L'homme muté en surhomme la capte intensément, ce qui explique l'expression : Osiris au visage vert. Vue toujours à l'égyptienne, l'alchimie comporterait éventuellement, en plus de la phase lunaire de l'argent et de la phase solaire de l'or, une phase du Lion vert. L'alchimiste qui parvient à cet accomplissement maîtrise alors le rayon vert qui, transcendant le règne minéral dont la perfection est dans l'or, agira sur la sève et le sang. Il pourra provoquer de véritables mutations dans les règnes végétal, animal et humain. En égyptien, le Sphinx se nommait Shesep Ankh, c'est-à-dire " image de la Vie ", et le terme grec transpose phonétiquement le terme égyptien.

Igher-Nefret dont le nom signifie " celui qui marche dans la vérité ", donne des détails quant aux autres aspects de sa mission. Il a rectifié les calculs des astronomes locaux afin que les prêtres horologues puissent mieux harmoniser l'ordonnance du cérémonial du temple, attenant à l'Osiréion, avec la marche des heures célestes, diurnes et nocturnes. Il a embelli la barque sacrée et réparé sa châsse. Mais, surtout, il a revitalisé une statue secrète, sans doute par des passes magnétiques et des fumigations, cette statue étant le corps de substitution du ka d'Osiris. Il l'a revêtue de feuilles d'or, celles-ci condensant l'aura d'or, latente autour de la momie.

A ce témoignage s'ajoute la relation du prêtre Horsiesis qui, à l'époque tardive de l'empereur Auguste, reçut encore l'initiation en Abydos. Son précieux papyrus explique qu'il y est accueilli, au seuil de la zone interdite au profane, par un maître des mystères qui lui remet la couronne des justifiés. Une confrérie gardait par conséquent les lieux saints. Puis, vient un prêtre portant le masque d'Anubis, dieu des momies et des kaou. Il va maintenant descendre sous terre, dans l'Osireion. Un long corridor le mène près d'un bassin, lac artificiel qu'alimente le Nil. Les murs sont tous recouverts de textes du Livre des morts et du Livre des Portes (sous-entendu, de l'autre monde). Dans une île, au centre du bassin, se dresse un sarcophage à l'image d'Osiris. C'est un dessin du papyrus d'Anhai (British Muséum) qui précise ce dernier détail. Un autre dessin, sur un sarcophage du Musée de Marseille, montre extérieurement l'Osireion : un tertre à quatre sycomores, l'arbre sacré de l'ancêtre divin. Ce que confirme le papyrus d'Horsiesis : " Tu parviens dans le hall souterrain, sous les arbres sacrés. Près du dieu Osiris, te voici arrivé, le dieu qui dort en son sépulcre. Sa vénérable image gît sur son lit funèbre. " Toutefois, Abydos ne contenait pas uniquement un simulacre de la momie d'Osiris, mais aussi une relique extraordinaire, contenue dans l'insou, la fameuse châsse que répara Ygher-Nefret : une corbeille au bout d'une hampe, ceinte d'un bandeau royal à pans flottants, et surmontée de deux plumes, ces attributs étant (allusion à la royauté d'Osiris. " Quant à l'insou, dit un texte, c'est une corbeille de jonc. La tête du dieu y est enveloppée dans un coffre mystérieux. Celui-ci est une châsse dont on ignore ce qui est à l'intérieur. La tête auguste est en elle, dans un vase enveloppé d'or. " Il s'agissait donc d'une formidable relique, et d'autant plus formidable que, selon les traditions recueillies par Plutarque, Osiris aurait appartenu à cette surhumanité de géants à laquelle font allusion Bible et autres livres sacrés! Maspero, se fondant sur des textes, donne à Osiris quelque cinq mètres, soit la taille des statues géantes d'Égypte... Les premiers chrétiens de ce pays croyaient encore à la relique d'Osiris puisqu'un moine nommé Moyse saccagera les sanctuaires d'Abydos afin d'y retrouver l'insou et anéantir la relique! Ce qui n'empêchera pas les chrétiens d'adopter l'usage de la relique, morceau du corps d'un justifié...

En tant que Saint Sépulcre de l'Égypte, Abydos remontait à la nuit des âges. Son temple d'Osiris, demeure du ka divin, sera reconstruit sept fois. Il se dressait à proximité de l'Osireion, c'est-à-dire du tombeau présumé. Curieusement, cet Osireion primitif disparut très tôt, peut-être à la suite d'un tremblement de terre, ce qui arriva vraisemblablement aussi pour le tombeau d'Alexandre le Grand, quand un quartier entier d'Alexandrie s'engloutira. Il se peut encore que ce tombeau, non vraiment disparu, fût occulté par les prêtres, membres de la confrérie gardienne. Sethi le% le père de Ramsès II, construira néanmoins un autre Osireion, sur le modèle de l'ancien et un temple à son nom. Mais ce second Osireion fut occulté à son tour, au point que Strabon qui visita Abydos sous Tibère ne le mentionne pas. Il a été découvert en 1903 par Miss M. Murray. Son plan est conforme à la description d'Horsiesis. Un détail de ce plan révèle à l'esprit intuitif que les mystères théâtraux d'Abydos comportaient une seconde partie, nocturne... De chaque côté du hall central, il y a six cellules, deux à l'ouest et trois à l'est. Elles ont 1,98 m sur 2,15 et étaient munies d'une porte. Leur usage nous est indiqué par Horsiesis : " Tu passes la nuit et tu dors dans l'endroit réservé aux mystères. " Ces dix-sept chambres étaient réservées à l'incubation. Les gens de cour qui avaient pris part à la dramaturgie, tel Ygher-Nefret, ou des mystiques, tel Horsiesis, étaient plongés dans un sommeil cataleptique afin que leur corps, réduit à l'état de momie vivante, exhale la totalité de son magnétisme et que leur moi, traversant un évanouissement, se réveille au sein du ka. Sans doute seraient-ils alors confrontés au ka éternel d'Osiris. Vision étrange que celle de ce spectre: une forme corporelle d'aither luisant vert avec une aura solaire!

 


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